Le deuxième roman de Titiou Lecoq met de nouveau en scène un trio. Après le trio féminin post-féministe de "Les Morues", elle trace dans "La Théorie de la tartine" le portrait en creux, même en très creux car proche du vide existentiel, de trois exemplaires de la génération Y.
Tous trois, irrésolus, dépourvus de projet de vie et accros de la toile, partagent la même et unique préoccupation, une préoccupation pécuniaire, qui est de trouver un moyen facile et peu fatigant, et surtout non salarié pour ne pas altérer leur propension à l'oisiveté et leur goût pour le cocooning, pour gagner de l'argent, et de surcroît suffisamment pour satisfaire au consumérisme ambiant.
C'est donc l'histoire de deux garçons et une fille - un journaliste-pigiste en chambre, la trentaine déjà entamée, qui vit au crochet de sa compagne, attachée de presse free-lance, et croit au jackpot du rachat à prix d'or des start-ups, un post-adolescent kikikamori de 19 ans à la charge de ses parents qui envisage un e-commerce lucratif et une étudiante de 26 ans qui (pour)suit des études fumeuses au long cours - dont les destins se croisent à l'occasion de la mise en ligne d'une sextape de cette dernière effectuée par un ex revanchard.
Titiou Lecoq, elle-même pigiste sur le Net, geek et blogueuse, livre un diptyque avant /dix ans après sur le monde de la toile vu par le petit bout de la lorgnette et sur tout et sur rien, les lol, lulz, anonymous et hackers, l'ubiquité IRL/simulacre virtuel, le streaming, l'identité et la sociabilité numérique, l'avenir de la presse numérique low cost, la femme qui veut un enfant mais pas le père et choisit pour géniteur un ami homosexuel, la jalousie, etc..
De facture "gloubi-boulgaesque", cette déclinaison illustrée d"une "encyclopédie de la web culture" dont elle est co-auteure peine à captiver d'autant que les protagonistes, au demeurantpeu empathiques, manquent cruellement tant du sens de l'humour que de celui de l'auto-dérision.
Mais elle aura sans doute une vertu consolatoire pour ceux qui, comme ces derniers son tombés sous le coup de la théorie de la tartine, ou loi de Murphy qui veut que la tartine tombe toujours du côté beurré.
