Comédie de Gérald Sibleyras, mise en scène de Philippe Uchan, avec Gilles Gaston-Dreyfus, Jean-Luc Porraz, Christiane Bopp, Arthur Fenwick, Linda Massoz et Charles Templon.
"Les thèmes éternels servent le théâtre d’aujourd’hui." Ainsi parlerait sentencieusement le monsieur Perrichon 2015.
Celui que dépeint avec malice Gérald Sibleyras, dans "Perrichon voyage toujours", version "customisée" du labichien "Voyage de Monsieur Perrichon", qui amusera certainement. Une plage banale d’une île des Antilles (ou d’ailleurs).
Deux chaise-longues, deux solitudes, un couple. La dame lit un magazine féminin, le monsieur, qui rêve, l’interroge avec angoisse. A-t-il des intentions ? La dame préfère les jeunes gens que fréquente sa fille, deux "gredins à bottes vernies" qui, ici, portent claquettes et bermudas d’horribles teintes décomposées. Des oreilles de la fille, pendent des fils rattachés à un porte-bruits.
Nous sommes au 21ème siècle. Mais monsieur Perrichon est éternel, comme la mauvaise foi, l’ingratitude, la méchanceté. Lorsqu’un des jeunes gens le sauve de la noyade certaine des vieux qui s’essaient à la planche à voile, il préférera l’autre, qu’il tirera d’un faux péril, privilégiant celui qui a fait de lui un héros, par rapport à celui qui l’a sauvé.
Si la première partie sert à installer l’action, la suite se déchaîne en drôlerie, notamment une soirée grotesque où chacun s’essaie au conformisme du temps, avec des "développements durables", des "situations gravissimes", d’abjects "impactants", de l’altermondialisme récupéré par hasard, chapelet de niaiseries entendues et "perroquetisés".
On rit à gorge déployée devant ces bourgeois qui n’ont plus de déjeuners dominicaux mais des "brunchs" en "survets" mous. La bêtise flamboie, s’enroule, crépite.
Gilles Gaston-Dreyfus incarne un désopilant Perrichon à quatre-quatre, entourée d’une épouse plus dinde qu’à Noël, Christiane Bopp, truculente, d’un juge irascible, Jean-Luc Porraz, excellent, et de deux sémillants garçons de bonne famille, Charles Templon, retors et flatteur, et Arthur Fenwick, énarque glacé brave et droit sous le Lacoste. Linda Massoz est charmante dans le rôle de la fille Perrichon.
La mise en scène de Philippe Uchan est efficace. Un agréable moment d’amusement et de moquerie indispensable, avec une troupe… "concernée"!