En dépit de l’usure qui frappe souvent le journaliste musical au bout d’un certain nombre d’années, atteint du syndrome "j’ai tout vu, tout entendu, bla bla bla…", Philippe Barbot a su garder un coeur de jeune homme à la passion intacte, la capacité d'être ravi et émerveillé par la (bonne) musique et l’être humain qui se cache derrière (notons qu’il est quand même plus facile d’être émerveillé par Prince que par Julien Doré…).

C’est donc dans cet état d’esprit de fan et de d’oreille avertie qu’il écrit ce livre (récit avant toute chose), relatant les rencontres impressionnantes et passionnantes qui ont jalonné sa longue carrière de journaliste musical au sein d’un célèbre hebdomadaire (presque 30 ans, quand même…).

Grâce à sa plume vive et pleine d'esprit, il nous entraîne dans les coulisses de l’interview, partage son trac et sa joie de rencontrer Paul Mac Cartney dans les brumes de Londres en automne, Iggy Pop à la courtoisie exquise, ou encore un Polnareff un peu clinquant… Car ces rencontres sont émaillées d’anecdotes marrantes, insolites. Philippe Barbot a choisi très finement de privilégier son émotion d’homme plutôt que de republier son entrevue ; ainsi, on part avec lui au Madison Square Garden pour assister au dernier concert de Bob Marley, qui joue dans l’indifférence générale (difficile à croire mais les gens étaient venus pour… Lionel Richie !), on devise le coeur serré à Saint-Germain-des-Prés avec un Willy Deville diminué mais toujours splendide, on est assis dans la chambre de l’aliéné le plus génial, Brian Wilson, hurlant et grimaçant ; on boit et on tangue au rythme des angoisses de Gainsbourg, comme prisonnier de son antre mythique de la rue de Verneuil, on découvre l’humilité d’un Springsteen, on partage même un dîner avec Stevie Wonder qui se transforme à l’issue en pianiste de bar dans un grand hôtel en Amérique…

Bref, on touche la légende, la vraie, le monstre sacré, il nous attrape le bras et on boit un coup avec lui. C’est enlevé, captivant même pour le néophyte, et idéal pour parachever son éducation musicale… Seul bémol, on aurait aimé que la galerie des 30 portraits soit plus longue et que la gent féminine, carrément négligée, reprenne sa place… Et c’est une fille qui vous le dit !

On attendra donc le tome 2.