Comédie dramatique de Georges-Marie Jolidon, mise en scène Xavier Lemaire, avec Bérengère Dautun, Sylvia Bruyant, Christophe Calmel, Marion Champenois, Eva Dumont, Franck Jouglas, Céline Mauge, Didier Niverd, Manuel Olinger, Thibault Pinson, Vincent Viotti et Philipp Weissert.

Mémoire de la Patrie. L'anniversaire du déclenchement de la Grande guerre, domino fatal qui offrit l’occasion de revanche contre l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine avalées par le Reich, donne lieu à diverses commémorations empreintes d’anachronisme, d’approximations, de bêlements pacifistes et de fixations dérivantes, et le spectacle proposé, "Les Coquelicots des Tranchées", tente de corriger cette médiocrité militante.

Dans une famille privée de ses hommes, jetés dans la bataille, une maîtresse-femme, Dame Gertrude, dirige sa maisonnée d’une main de fer : sa bru, ses filles, sa bonne, ses gens. La France est sa religion, le devoir, sa pratique quotidienne. Le Boche est l’ennemi naturel, le retour des héros, une nécessité espérée, la bonne tenue des femmes, l’objet d’une surveillance sans relâche.

L’une des filles, infirmière, s’expose au front, soulageant, de maintes façons, les souffrances de Poilus mutilés, tandis que les nouvelles des tant aimés deviennent de plus en plus rares durant l’offensive carnIvore de Verdun…

Parcourant une fresque bigarrée, où tout est montré plutôt que dit, jusqu’aux cauchemars morbides des permissionnaires, un musée Grévin aux masques de chair, avec des tableaux burlesques qui fustigent militaires et politiciens - toujours français – jusqu’au sketch pénible d’un Clemenceau symbolisé par une balais de cabinet (non ministériel), le spectateur vibre surtout aux scènes familiales, assez justes, à l’exception du "Retour du soudard" (un jeune soldat ivre).

L’image d’Epinal est naïve et touchante : un jeune prisonnier allemand, bien gentil, musicien et retrousseur de jupons en deuil, la fraternisation alcoolisée des Gueules cassées qui vont mourir, les inévitables mutins, héros des temps modernes, des femmes déguisées en Poilus pour faire nombre et enfin la guerre "Gross malheur" (ce qui est bien vrai, n’est-ce pas ?).

Bérengère Dautun, La Comédienne du Français, clef de voute du spectacle, apporte de la grandeur à ce Passage des Panoramas. Alsacienne inflexible qui ne transige pas avec les égorgeurs de sa patrie, elle incarne la France même, autant que la femme digne et imperturbable de ce temps-là. Elle ne s’en laisse jamais conter et nous raconte, à elle seule, figure immuable, antique, la guerre, la vraie, la restituée sans les commentaires en post-scriptum… Quelle leçon de théâtre !

Le metteur en scène, Xavier Lemaire - qui a une vraie bonne tête de Poilu ! - a rassemblé une équipe de comédiens égaux et convaincants. Venez applaudir Bérengère Dautun, dans le rôle de la France, pour comprendre et ressentir Quatorze, en dissipant les fumées…