"White trash" de John King appartient à cette catégorie de romans qui se méritent.

En effet, il est destiné au lecteur patient, tenace et placide, capable d'attendre - et d'atteindre - la 299ème page de ce roman, qui en comporte 375, pour comprendre ce qui va réunir ses deux protagonistes dont la vie est décrite et narrée de manière totalement indépendante nonobstant le fait qu'ils travaillent dans le même établissement hospitalier.

Et il ne les décevra pas car, oeuvrant dans la tradition du réalisme social britannique, John King, considéré comme une des figures majeures de littérature d'outre-Manche, livre, sur toile de fond du démantèlement du système de santé britannique et de fracture sociale aggravée par le thatchérisme, une passionnante et naturaliste immersion dans la culture populaire de son pays doublée d'un saisissant roman noir.

D'origine prolétaire, Ruby est une jeune infirmière dévouée, compatissante, résolument positive et altruiste qui s'investit totalement dans son métier au point de s'attacher aux patients, notamment ceux qui sont déshérités ou abandonnés en fin de vie, ce qui n'est forcément pas facile à gérer au quotidien, et qui compense par des soirées largement arrosées passées au pub ou en boîte avec ses amis.

D'origine aisée, arrogant, cynique et dépourvu d'affect, M. Jeffreys, équivalent d'un énarque inféodé au dogme de la RCB, officie en solitaire comme consultant auprès de l'hôpital pour en réduire les dépenses.

Et comme il abhorre les "white trash", tous ceux qui, des bas-fonds, du sous-prolétariat et de la classe ouvrière laborieuse, coûte plus à la société qu'ils ne lui rapportent, il n'a aucun état d'âme pour opérer de manière drastique et même initier des solutions radicales.

Et tout irait pour le mieux dans le pire des mondes du Big Brother Jeffreys si sa route ne croisait pas celle de Ruby. Bonne lecture pour connaître la suite avec John King qui sait faire languir son lecteur pour mieux le saisir alors qu'il a baissé sa garde.

Le seul "bémol" tient à la traduction lisse de Clémence Sebag qui gomme le contraste de l'écriture originale présentée comme une valeur ajoutée par la critique anglosaxonne en ce qu'elle oppose la langue argotique utilisée pour le récit de Ruby à celle policée correspondant au profil de M. Jeffreys.