Réalisé par Jean- Michel Ribes. France. Comédie. 1h40 (Sortie le 24 septembre 2014). Avec Chantal Neuwirth, Didier Bénureau, Christian Pereira, Laurent Gamelon, Annie Grégorio, Régis Laspalès, Yolande Moreau, Valérie Mairesse, André Dussollier, François Morel, Marcel Philippot...

"Je suis une vraie mouche de télévision, je regarde toutes les merdes". La série "Palace" de Jean-Michel Ribes, diffusée en 1988 sur Canal Plus et en 1989 sur Antenne 2, n’en était pas une.

Les rediffusions régulières, sur Comédie ! en 2005 et 2007 puis sur Paris Première en 2011, et sa transposition en saga publicitaire (La Maaf) témoignent même du culte voué à celle-ci. En particulier, ces "Brèves de comptoir" balbutiées par Jean Carmet avec sa gouaille légendaire.

Après une vingtaine de livres depuis 1987 (plus d’un million d’exemplaires vendus), trois adaptations théâtrales en 1994, 1999 et 2010 et une entrée dans le dictionnaire, "l’œuvre" de Jean-Marie Gourio (des recueils de plusieurs milliers de citations authentiques entendues dans la vie de tous les jours, surtout dans les bars) est enfin transposée au cinéma par Jean-Michel Ribes après l'avoir portée sur la scène du Théâtre du Rond-Point sous le titre "Les Nouvelles Brèves de comptoir". Un nouveau grand cru promis au même succès.

Peu importe le décor du film (L’hirondelle, un café de banlieue parisienne, en face d’un cimetière), le langage (5 000 des brèves collectées par l’ancien rédacteur en chef de Charlie Hebdo pour dialogues) constitue son unique paysage et il est fascinant.

Car cette parole populaire, oubliée, absente des médias, est avant tout une langue de survie au tragique, d’une richesse infinie tant sur le fonds (racisme, chômage, précarité, pauvreté, maladie, alcoolisme, mort) que sur la forme (poésie, absurde, humour noir).

Des lieux communs sur tout et rien d’une logique implacable mais aussi de fulgurants traits d’esprit qui touchent parfois à la philosophie, à l’humanité, à l’universel, à l’intemporel, à l’éternité.

Les exercices de style de ces bons vivants - Raymond Queneau n’est jamais très loin, Michel Audiard non plus - qui nous traversent tous sont ici servis par une troupe de 70 comédiens (auteur et metteur en scène compris) partageant tour à tour le premier rôle (chacun ayant d’ailleurs accepté de percevoir le même cachet).

Une chorale au sein de laquelle on retrouve avec bonheur une partie des Deschiens (Olivier Saladin, Yolande Moreau, François Morel) dont l’univers est très proche, et un André Dussollier au meilleur de sa forme, en homme politique menant campagne, dans une scène d’anthologie. Cette joyeuse équipe nous faisant partager à l’écran tout le plaisir qu’elle a pris sur le tournage.

Loin d’être bouchonnée, cette savoureuse cuvée est à consommer sans modération. Et si les stars trinquent à marée basse sur l’affiche (le détail qui tue, loi Évin oblige), c’est parce que "A côté d'un verre vide, on trouve toujours un mec plein !".