C’est un mythe connu, les enfants réussissent toujours à s’inventer un ami imaginaire, passage obligé vers la construction d’un soi social et viable pour notre société. Que ce soit au travers d’une peluche, d’une poupée, voire même par pure projection de l’esprit, cette béquille de l’esprit intervient à un moment charnière dans la construction de notre identité. Pour Estère, jeune artiste originaire de Nouvelle-Zélande, cet ami c’est Lola. Un MPC avec lequel elle a fait les 400 coups et poursuit son chemin vers un âge adulte flottant entre maturité, romantisme et rêverie.
Découverte avec le titre "Cruel Charlie", Estère avait capté les oreilles avec ses sonorités sensuelles. Avec Lola, elles ont mis en place des rythmes sucrés, urbains et enjoués. Un équilibre qui ne s’appuie pas tant sur les notes tapotées sur le corps du MPC, que sur la voix modulée de la chanteuse.
Empruntant les étroites ruelles sinuant entre le R’n’B et la Soul made in USA, la chanteuse s’applique à dépoussiérer un genre qui a vieilli trop vite en le rehaussant avec une sérieuse dose de synthétiseur. Comme souvent, l’utilisation de ce genre de clavier offre un aspect intemporel aux productions, les laissant libre d’explorer les genres et les époques sans trop se formaliser des limites qui furent celles des artistes jadis.
Long de 7 pistes, ce premier album autoproduit est une carte de visite extrêmement soignée et s’ouvrant sur une paire de chansons balayant l’étendue du talent de la jeune fille. Entre vocalisme sensuelle et motif sonique dynamique et entêtant, la voix de l’artiste marque les esprits facilement, alors que les rythmiques provoqueront indéniablement des hochements de têtes. "Reptilian Journey" et surtout "I Spy" s’évertuent à lancer un pont entre les époques d’Erykah Badu et celle de SZA. Une rencontre bienvenue, d’autant plus qu’Estère navigue entre les genres sans vouloir se fixer d’attache.
Slalomant entre des productions tout autant Blues que pop ("Thoughts" ; "Patchwork Soldier"), c’est avec sa voix sucrée qu’Estère convint le mieux. Car si chaque production déploie des trésors d’ingéniosité dans lesquels se mêlent cuivres, claviers, hand claps et autres digressions sonores, c’est bien avec son organe vocal que le charme opère.
