Drame de Victor Hugo, mise en scène de Denis Podalydès, avec Éric Ruf, Éric Génovèse, Guillaume Gallienne, Christian Hecq, Gilles David, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim, Georgia Scalliet, Elliot Jenicot, Benjamin Lavernhe, Sébastien Pouderoux, Paul McAleer, Heidi-Eva Clavier, Lola Felouzis et Pauline Tricot.
"Lucrèce Borgia", drame de Victor Hugo, dans lequel tant d’immenses tragédiennes ont marqué leur temps, est repris dans une version baroque au Français.
La Duchesse d’Este, née Lucrèce, de la maison Borgia, nom dont les lettres ruissellent de sang, rencontre à Venise, à Mardi-gras, le fils de son inceste avec son frère, qui en tombe amoureux sans savoir qu’elle est sa mère maudite.
De retour à Ferrare, auprès de son mari, le Duc, soupçonnée d’adultère, ourdissant vengeance contre des gentilshommes qui l’ont moquée, elle organise un nouveau "Bal des Ardents" où chacun trouvera la mort. Lucrèce est une nouvelle Médée.
Hugo a conçu cet ouvrage - sa "Phèdre" - en gommant, à son habitude, quelques vérités historiques, acharné à créer un mythe, et cela fonctionne toujours, malgré quelques rires incongrus du public, habitué aux drames plus intimes et d’introspection psychologique.
Denis Podalydès a imaginé une mise en scène d’opéra, brillante, charmeuse de costumes signés du Grand couturier Christian Lacroix, truffée de musiques précieuses et raffinées, belle et sachant le montrer, chatoyante, picturale, séduisante, chargée.
Guillaume Gallienne, fort de ses récents succès cinématographiques, est travesti en Lucrèce, parfois avec perruque, parfois torse-nu, mutant, insaisissable, dans une tradition ancienne d’inversion des rôles, assez convaincant, émouvant même et il sait contenir sa performance sans sombrer dans le caricatural. C’est étrange, décadent, et le public s’en délecte.
Hélas, si l’homme peut imiter la femme, l’inverse fonctionne bancalement et Suliane Brahim subit cette vérité, peinant à incarner ce jeune homme charmant qui aime sa mère. Eric Ruf, en duc, est magnifique de rouerie, de violence, de désespoir face à ce monstre empoisonneur dont il est le quatrième mari.
Stéphane Varupenne, formidable Orsini, excelle auprès de gentilshommes plus conventionnels. Mention spéciale à l’excellent Gilles David. Enfin, Christian Hecq, délirant, factotum de génie de la Borgia, arrache l’enthousiasme, enfant-chéri de la salle.
On regrettera la "prononciation V.O." (Borde-gia) qui abîme les oreilles et divorce du français de Victor Hugo et de sa musique propre mais on se réjouit, avec le public, de cette belle production très actuelle, jeune et portée par la jeunesse et l’enthousiasme d’une troupe inspirée.
