Comédie de Jacques Audiberti, mise en scène de Marcel Maréchal, avec Marina Vlady, Marcel Maréchal, Emmanuel Dechartre, Mathias Maréchal, Antony Cochin, Michel Demiautte, Nassim Haddouche, Céline Martin Sisteron et Julian Peres.
Rares sont aujourd’hui les moments de théâtre où l’on retrouve, à la fois, l’épopée, la désinvolture, le respect scrupuleux d’un texte non déchiqueté et une distribution de rêve.
Le Théâtre 14, maison où souffle l’esprit, propose donc l’œuvre baroque de Jacques Audiberti, aventurier des mots et contempteur des postures héroïques.
Mirtus, valeureux jeune homme, chevalier d’Oc, quittant les miasmes d’une famille où l’abrutissement paternel partage la couche de la dévirilisation maternelle, part pour Jérusalem, participer à la Croisade. Coq de village, il séduit turquesses, levantines, traversant les Cours paresseuses et sucrées de dattes, dominateur et dominé par l’esprit du Voyage, arrivant au but, philosophe et habité par le doute.
Audiberti, qui mourra dans les années de la Décolonisation avancée, en profite pour régler son compte à la morgue occidentale, bien revitalisée depuis par les nouvelles guerres coloniales fondant sur la Mésopotamie, mordant au sein l’Eglise, qu’il n’aime pas, réglant son compte aux beys complaisants, qui savent flatter le chrétien, et concluant par une morale minimaliste "du verre d’eau suffisant".
La troupe, emportée par la mise en scène d’un Marcel Maréchal rajeuni de vingt ans, cisèle la drôlerie, savoure les trouvailles linguistiques : Marina Vlady, icône, bouleverse, dans maints rôles, paysanne, reine et Vierge-Marie : partout, que grâce !
Mathias Maréchal, exceptionnel, enflamme le rôle de Mirtus, à égalité avec son père, merveilleux comédien tant aimé, Marcel Maréchal, qui plonge dans sa jeunesse, revitalisé, drôle, juste, inventif. Emmanuel Dechartre incarne un Christ à martyriser de nouveau, recloué, à l’absence condamnée, avec la finesse et l’audace tristement douce qui sont siennes.
Mention spéciale à Julian Peres, oiseau danseur aux charmes sibyllins et à Nassim Haddouche, à la drôlerie efficace. Sans oublier Antony Cochin, irrésistible, et Céline Martinsisteron ou Michel Demiautte.
Pour tous ceux qui aiment le théâtre, ce "Cavalier seul" s’impose comme un spectacle où la générosité et le talent le disputent à la drôlerie et à la force : Réussite !
