Kelis a de longues dates essayé de tirer son épingle du jeu en s'essayant à la musique d'anticipation. Artiste légèrement borderline, ses plus grands succès tels que "Caught Out There" ou "Milkshake" l'ont pourtant catapultée sur le devant de la scène, l'entraînant vers des territoires musicaux pop légèrement nauséabonds (du genre de Flesh Tone).

Ayant visiblement pris le temps de travailler pendant deux années sur son nouvel album, intitulé Food, la chanteuse fait un retour inattendu, un brin rétro. Divisé entre un son (évidemment) "MoTown" et des productions partageant certaines facilités avec les années 90's, ce nouvel opus offre à la voix particulière de la chanteuse un terrain à sa mesure. C'est presque avec une évidence déconcertante que l'on retrouve l'artiste poser sa voix sur des couches de cuivres festives et s'essayer à un style à contre-courant de notre époque.

Le premier single, "Jerk Ribs", résume assez bien l'esprit de l'album en reprenant les codes du R'n'b façon années 90's (celui qu'elle a traumatisé à répétition dans ses jeunes années à l'aide des Neptunes) et en élargissant le tout, à l'aide d'une instrumentalisation faisant la part belle aux cuivres. Le son est riche, positif et se présente dans un format pop attractif tant au grand public que ceux se réclamant d'une mouvance indie.

C'est peut-être l'idée même de l'album, récupérer les anciens aficionados de la chanteuse, faire l'impasse sur ceux qui l'ont découverte avec David Guetta ou Calvin Harris (sic)  et réussir à offrir une nouvelle image lisse à Kelis. Du coup, on remarquera une absence de titres up-tempo, au profit de productions bâtardes, exploitant une dynamique pop/disco qui ne diminue en rien la dimension sensuelle propre à l'artiste. Mais aussi rétro donc, faisant appel à des renforts vocaux type gospel sur "Breakfast" ou singeant au détour d'un refrain les Bee Gees ou Aretha Franklin, quand elle ne se prête pas à un jeu de question réponse type illy billy sur "Friday Fish Fry".

Bref, Food c'est un rétropédalage, sans doute imputable à une certaine mode glorifiant les sons dit "old school" et qui vient contrebalancer la surreprésentation des machineries livrant des sons synthétiques. Et tant mieux car la chanteuse rectifie ici sa trajectoire et revient vers des terrains bien plus acceptables (et honorables).