Comédie de Molière, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, avec Yves Gasc, Eric Ruf, Florence Viala, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Gilles Davuid, Georgia Scallet, Adeline D’Hermy, Louis Arene et Benjamin Lavernhe.
Ah, retrouver Alceste, le contempteur des médiocrités, des compromis, des tiédeurs mondaines, amant exigeant d’idole prêtée sur gage.
Clément Hervieu-Léger, le metteur en scène - brillant élément du Français, comédien - a dû se sentir normalement pétrifié devant cette œuvre magistrale et difficile, face à laquelle toute facilité ou légèreté est indigne et fatale. Comment représenter ce pré-romantique qu’est Alceste, ce jeune homme mélancolique et violent que ce monde blesse ?
Chacun connaît la pièce : flanqué d’un ami, Philinte, inquiet du fanatisme de son comparse, Alceste veut obtenir de l’objet de ses feux, la coquette Philomène, un engagement définitif. Hélas, le jour s’éteindra avec ses espérances. Le monde ricane de ses indignations. Il est seul et le demeurera.
Dotant la scène d’un décor somptueux, costumant ses comédiens de vêtements contemporains très bon chic bon genre, Clément Hervieu-Léger a abordé la distribution et choisi Loïc Corbery, jeune premier très efficace, en prenant le parti de faire d’Alceste un tardif adolescent tourmenté.
Face à lui, Célimène est incarnée par l’exquise Georgia Scalliet, très actuelle jeune femme froide et organisée, qui condescend à se laisser aimer par qui la séduit. Autour d’eux, Eric Ruf prête sa stature virile au rôle de Philinte, l’ami et le "brave homme" cher à Molière.
On rira de la faconde outragée de Serge Bagdassarian, excellent comme à l’accoutumée, de la perfidie de l’hypocrite Arsinoé - alias Florence Viala - ou des airs ahuris d’Yves Gasc. Mention spéciale à la montante Adeline d’Hermy, en Eliante.
L’ensemble offre un aspect attractif même si la dimension tragique d’Alceste et sa révolte contre le monde tel qu’il est ont été passées par profits et pertes, pour ne laisser subsister qu’une maladresse de vieil enfant mal dans sa peau.
Mais le "type humain", brossé par Molière dans "Le Misanthrope", demeure, dans les richesses d’un texte et la beauté du langage.