Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène de Claude Mouriéras, avec Cécile Brune, Éric Génovèse, Nicolas Lormeau, Nâzim Boudjenah, Jérémy Lopez, Marion Malenfant et Stanley Weber.

Une maison d’hôtes, sur la côte anglaise. Un couple ordinaire, les Meg-Peter, choie le seul résident, un trentenaire attardé, Stan, sorte de fils de la famille, se levant tard, engraissant, sans but ni désir. Arrivent deux étranges estivants, Goldberg et Mac-Cann, qui paraissent bien connaître Stan, provoquant la frayeur de ce dernier.

Lors de sa soirée d’anniversaire, à laquelle il est littéralement obligé d’assister, le jeune homme subira humiliations et violence, roulé comme pierre dans ce torrent et finalement extradé de son cocon. A l’aube, la vie reprend, toujours accommodante à essuyer la haine subie.

Le grand dramaturge anglais Harold Pinter mort en 2008 a explosé dans les années soixante, avec son théâtre de l’absurde, ses dialogues simples et ses situations compliquées : c’est ici sa deuxième pièce.

Le venin tue-t-il toujours ? "Orange mécanique" est passé (on y songe parfois avec cet "Anniversaire") "Festen", aussi, et le sulfureux n’est plus ce qu’il était. Quant à l’horreur du dialogue conjugal et ordinaire, Ionesco a frappé assez juste, lui aussi. Alors ?

Alors, il y a des "possibilités" cachées dans "L'anniversaire" : le règne de la terreur, très contemporain, avec la menace quotidienne, l’intimidation, sociale, celle du crime organisé, la normalisation de l’individu, dont le politiquement correct est une des plus actuelles et stérilisantes tentatives, et l’on découvre que cette pièce travaille encore les consciences.

La troupe du Français brille, comme toujours : Stanley Weber, la victime, devient, grâce à la métamorphose de Jérémy Lopez, ce bobo insupportable, sale, veule, immature, pour lequel on n’éprouvera aucune pitié…à l’instar des bourreaux. C’est très fort.

Marion Malenfant compose une divette cockney, visiteuse et voyeuse, le cerveau rétréci par les décolorations successives de son âme et de ses cheveux, excellente. Cécile Brune, la maîtresse de maison maternelle, lourde, irritante, parfaite, conjugale répond à un mari excédé et candidat à l’absence, Nicolas Lormeau, qui laisse tout filer dans la dépression maritale.

Enfin, les deux visiteurs de la nuit : Nazim Boudjenah, tondu, dominé, homme de main tremblant, parfait pitt-bull humain en laisse, fait face à Eric Génovèse, extraordinaire démiurge plus qu’inquiétant, maffieux et dandy, dominant toute la pièce de sa stature et de son métier, réalisant là une de ses plus fortes compositions : bravo !

La mise en scène de Claude Mouriéras, un rien minimaliste, parfois trop influencée par les clichés du cinéma, laisse la place belle aux comédiens, très inspirés. Le temps passe vite, l’action s’enroule, la magie s’installe, avec le doute. Terrible "Anniversaire" , ni joyeux, ni avec des vœux les plus sincères, qu’on n’oubliera pas…