Comédie écrite et mise en scène par Renaud Meyer, avec Sara Giraudeau, Julien Boisselier, Jean-Paul Bordes et le Manhattan Jazz Band.
Les Années Folles. Dans une frénésie de champagne, de charleston et de notes de jazz, le grand écrivain Scott Fitzgerald forme avec sa femme, Zelda, un couple "lancé", légendaire et périlleux.
Le célèbre auteur de "Gatsby" incarne alors cette Amérique d’avant le Mardi noir, insouciante, élégante, désinvolte, fier de sa muse, une Sudiste déséquilibrée, irrésistible, chapeau cloche et aigrettes, qui l’inspire par ses folies, ses saillies, ses caprices qui le détruisent autant qu’ils le nourrissent.
Face à un Hemingway qui monte en puissance, il incarne déjà le déclin, que le krach boursier de 29 parachèvera. En France, sur la Côte d’Azur du Train bleu et des nuits d’ivresse sous les palmiers, il saisira l’ampleur de sa décadence et la profondeur du mal de Zelda. La tragédie est consommée.
L’écriture de Renaud Meyer est élégante, drôle, maîtrisée et l’on s’étonne qu’il ne soit pas mentionné : "pièce de" au lieu du trop modeste "écrit par". Sa mise en scène, car cet homme est complet, brille par l’exubérance, la beauté des costumes de Dominique Borg, les belles lumières d’Hervé Gary.
Quant à l’idée de placer un orchestre sur scène, le Manhattan Jazz Band (formation existant déjà dans les années Vingt), elle réjouit et fait oublier les habituelles musiques de scène, assourdissantes et comme sorties d’un vieux transistor : Bravo !
Les comédiens sont étonnants : Jean-Paul Bordes incarne un Hemingway brutal, taurin, d’abord incertain de ses dons puis dominé par eux. C’est un acteur puissant, concentré, très convaincant.
A ses côtés, Sara Giraudeau, atteignant des sommets, est Zelda, fragile, enfantine, sur le fil du rasoir, brisée par ses excès et par l’excès d’amour pour son écrivain de mari, qu’elle vénère et hait avec un même vitalité et jalouse, sans doute, en l’humiliant.
Violente, parfois plus Calamity Jane que garçonne, elle compose en force cette Américaine typique à la féminité déréglée, envoutant modèle d’une époque éphémère, lugubre de joie forcée, inoubliable d’émotivité et de fragilité fatale.
Enfin, Julien Boisselier, Scott Fitzgerald vrai, humain, charmant, pathétique, tout en nuances et en progression dramatique, émeut profondément par ses belles qualités, sa justesse, son métier, joyau entre ses lèvres, dont chaque mot est une couleur.
Avec "Zelda & Scott", le Théâtre La Bruyère offre le plus charmant spectacle de la rentrée, servi par une troupe qui donne tout. L'affiche, avec une coupe de champagne pétillante, ne ment pas.