Derrière sa pochette digne d’un Walt Disney, le troisième album de Shannon and The Clams, dissimule un concentré de rock and roll puissant et polymorphe.
Avec un son situé à la croisée des genres et qui rend hommage à la culture musicale américaine, le trio originaire d’Oakland se permet de changer de peau au gré des envies. Et là où Shannon usera de sa voix d’Etta James énervée pour hurler sa fièvre (comme sur le tonitruant titre "Bed Rock"), Cody lui répondra avec une voix de falsetto chargé de passion ("In the River"). Equilibre réussi et surtout alchimie magique, entre les trois membres qui réussissent à faire émerger un son à part – et reconnaissable – dans une atmosphère punk, peu propice à limiter les débordements.
On parle bien ici de magie. Car un peu à la façon des traditions orales de jadis, plusieurs chansons se pavanent et s’offrent à l’oreille comme de véritables contes, narrant bien évidemment l’amour, mais aussi la mort, la perte ou encore le fantasme. Sorcier, rêve, chien ("Ozma" fait référence au chien de Shannon) et lapin métaphorique, peuplent les paroles de l’album, dans un joyeux mélange presque ineffable et qui prend pourtant forme sur des compositions aux guitares tour à tour saturées ou mélancoliques. D’autant plus que les membres du groupe réussissent à conjurer en un album, une part de rock psychédélique un brin rétro, des sonorités garage plus ou moins assumés et un esprit résolument punk.
Voyageurs du temps, aventuriers du son et surtout amoureux de la musique, Shannon Shaw (chant, basse), Cody Blanchard (chant, guitare) et Ian Amberson (batterie, chant) se font fort de donner une forme cohérente à un album qui fluctue entre les époques et les genres. De fait, si "In The River" avec son chant langoureux et ses rifts tendres s’écoulent délicieusement dans les oreilles, c’est pour mieux nous évoquer la musique des années 60/70 et les groupes où les filles prenaient le contrôle. Et elles y passent toutes : les Dixie Cups rencontrent Nancy Sinatra sur "If I Could Count" quand un style très proche des Shangri Las s’impose sur le titre "RIP Van Winkle".
Vous l’aurez donc compris, la force de Shannon and The Clams est principalement constituée de l’héritage de la musique roots américaine, mélange de folk, de rock et de tout ce que l’on peut y mélanger. Mais aussi dans l’ambivalence du chant qui confine même à l’hermaphrodisme. Puisque dans de nombreux cas, il s’avère difficile de déterminer si c’est Shannon ou Cody qui pousse de la voix. Sonnant toutes deux de façon également nostalgique, elles permettent à Dreams In The Rat House de se faire passer pour un album qu’on aurait déjà entendu des dizaines de fois, sans pour autant nous être (totalement) réellement familier.
Chantre d’un genre rétro/vintage dont leur maison de disque se spécialise de plus en plus, on retrouve Shannon dans un autre groupe comme bassiste et choriste, signé lui aussi chez Hardly Arts. Il s’agit de Hunx and His Punx à qui ils empruntent le même souci de la scénographie via des habits au mieux improbables, au pire, extravagants.
En dehors des rangs, car intemporels, Shannon and The Clams personnifie à la perfection l’esprit punk qui hante encore l’imaginaire des générations les plus jeunes. Renouveau ou évolution, cette musique aux accents faussement glamour qui s’habille de paillette, parlera aux amateurs de rock et convaincra les irréductibles que la musique punk n’est pas morte.
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