Spectacle conçu, scénographié et chorégraphié par James Thiérrée, interprété par Denis lavant, Anna Calsina Forrellad, Noémie Ettlin, Namkyung Kim, Matina Kokolaki, Valérie Doucet, Piergiorgio Milano, Thi Mai Nguyen, Ioulia Plotnikova et Manuel Rodriguez.
"Tabac Rouge" est le cinquième opus de James Thierrée, acrobate, acteur, danseur, musicien et metteur en scène, enfant de la balle né au coeur du cirque de ses parents Jean-Baptiste Thierrée et Victoria Chaplin qui ont forgé son background artistique.
Depuis 1998, avec "La Symphonie du hanneton", il décline la même thématique, celle de la part d'ombre, avec le personnage d'homme solitaire aux prises avec ses angoisses, ses obsessions, ses délires, ses rêves et ses cauchemars, sous une forme scénique syncrétique faisant la part belle au jeu corporel et qui tient de la pantomime, de la danse et du spectacle circassien.
Qualifié de "chorédrame", "Tabac rouge", son dernier opus en date qu'il qualifié de "chorédrame", propose une immersion dans l'antre d'un vieillard cacochyme, tyrannique et psychotique, rôle dans lequel s'épanouit Denis Lavant, un roi qui se meurt dans son royaume, un royaume sans sujet autre qu'un servile majordome, et un artiste livré aux affres de la création stérile.
Mais les volutes de fumée que dégage sa curieuse pipe au cours d'un rituel d'exorcisme déchaînent des forces obscures, émanations démoniaques ou muses rétives qui se font à chaque fois plus rebelles jusqu'à l'apocalypse finale.
S'il décline les récurrences qui font la marque de fabrique de son concepteur, cet opus marque néanmoins une novation en ce que ce dernier n'intervient plus comme interprète sur scène et qu'il privilégie le "corps dansant" même si le prologue constitue une belle réminiscence de son appétence originelle pour la "contorsion" expressive délivré par Manuel Rodriguez.
Cela étant, le spectacle déçoit sans doute parce qu'il marque les limites d'un genre qui tend au spectacle de décorateur avec sa gigantesque scénographie à la "Blade Runner", dont la lourde manoeuvre manuelle à vue révélant toutes les "ficelles" coupe court à toute magie, son esthétisme baroque et les figures imposées de Victoria Thierrée qui officie aux costumes telle la femme coiffé d'un abat-jour à pampilles qui traîne une machine à coudre en guise de faux cul.
Par ailleurs, l'émotion ne parvient pas à émerger de ce bel objet scénique saturé de déferlantes soniques, un montage éclectique d'oeuvres lyriques et de chansons assemblées par Matthieu Chédid crédité au générique au titre de la "combustion sonique", et de mouvement, agitation pour certains, sans silence ni pause visuelle, et, notamment, des pièces chorégraphiques, empruntant aux canons du panthéon de la danse contemporaine, exécutées avec une technique irréprochable mais qui manquent d'incarnation.