Au bout de 150 pages, j’ai refermé le livre pour me demander où était le rapport entre l’enquête sur des attentats à la mini Bombe A et le Codex Lucis (que j’imaginais être un vieux grimoire poussiéreux révélant des origines mystiques du truc hyper important dont je ne me doutais pas). Mais c’est à la page 151 que les légendaires Cathares pointent le bout de leur nez et mettent leurs doigts partout dans l’intrigue.
Je viens juste de lâcher Le jugement dernier de Stéphane Haumant, il fait jour, j’ai faim et je suis étonnée de retrouver mon monde intact après la lecture de ce roman apocalyptique. Il faut dire qu’il a une sacrément jolie plume ce Stéphane Haumant, il n’a pas volé son métier de journaliste. Avec finesse et précision, il plante le décor vite fait bien fait, installe ses personnages, recommence à deux-trois points stratégiques de la planète et l’histoire est partie. Des dialogues, un phrasé succinct et une histoire qui file plus vite que mes secondes.
Tout commence dans un futur pas si lointain que ça, où Pete Doherty est un clochard toxico (hi hi hi) et Marcus Phelps est membre du gouvernement. Ils ne sont pas les personnages principaux, mais les croiser au fil des pages rend ce futur pas si lointain. Notre acolyte principal porte l’affreux prénom de Donatien, il est journaliste français et investigue sur les attentats à la Bombe "Jugement Dernier", un genre de bombe atomique miniaturisée qui fait des ravages tour à tour au Brésil, sur une plage de Los Angeles, à Tokyo et en Inde.
Pourquoi ces attentats ne sont pas revendiqués ? Qui se cache derrière ces actes ? Pourquoi ces attaques ? Balthazar, un policier américain enquête avec son FBI local. Il croise la route de notre compatriote Donatien et ensemble, ils se lancent sur la piste des coupables, étrangement liés à un vieux bouquin poussiéreux : le Codex Lucis. Lui-même apparaissant et disparaissant dans l’histoire à des moments apocalyptiques : la peste noire du XIVème siècle (vade retro bubon !), la Révolution Française (qu’on lui coupe la tête !), la guerre froide (on va tout faire péter disait Kennedy).
Tout semble de pas avoir de sens, diverses sectes et groupements terroristes sont évoqués, des éminents membres des gouvernements américain, japonais ou russe sont montrés du doigt, certains disparaissent ou meurent avant l’interrogatoire. Mais non, la réponse est ailleurs. Et comme moi, l’enquête stagne pendant 150 plombes avant de prendre une tournure un peu plus fiable.
Cette vision rend la lecture d’autant plus passionnante, nous sommes égaux au journaliste et au policier, nous soupçonnons de manière plutôt classique, les grands méchants à la mode. Nous sautons à pieds joints dans les nouvelles pistes, nous nous trompons avec eux, nous en trouvons d’autres. Nous ne nous doutons pas tout de suite que le complot nous dépasse complètement, déjà parce qu’il est bien plus vaste qu’une pseudo vengeance de la part d’un barbu planqué dans une grotte, mais aussi parce qu’il est présent depuis des millénaires, et qu’il a plusieurs fois échoué. Et cette fois ?
Ce thriller est une perle, qui possède l’inestimable qualité de faire voyager sans quitter sa chambre. Vous ressortirez fatigué de toutes ces cavalcades et serez étonné de l’issue inattendue. Je prédis à mon exemplaire une longue vie de pages écornées aux miettes de pains (ou grains de sable) dans la reliure…