Crime & the City Solution, n'est-ce pas quelque chose comme le jumeau malheureux des Bad Seeds, Simon Bonney en doublure un peu passée de Nick Cave ?

Les deux groupes, les deux hommes, se sont souvent croisés, d'ailleurs, et l'un comme l'autre ne trompent personne : s'il y a quelqu'un à la tête de la sorte de troupe de pistoleros fatigués qui leur sert de groupe, c'est bien eux. Wanted men, dead or alive.

D'ailleurs, les deux gaillards n'ont pas hésité à recruter certains de leurs porte-flingues dans les mêmes eaux troubles, et l'on a pu voir officier dans Crime & the City Solution Mick Harvey ou Roland Howard, dans le sillage de la séparation de Birthday Party ; Alexandre Hacke / Von Borsig d'Einstürzende Neubauten, à l'occasion d'une relocalisation berlinoise ; plus récemment, l'un ou l'autre des Dirty Three.

Mais là où Cave a su pousser sa monture et ses troupes, accouchant de hold-up en hold-up de l'une des œuvres les plus populaires, variées, exigeantes et excellentes des trois dernières décennies (ce qui est loin d'être rien, admettons-le), Bonney a plutôt chercher à se faire oublier. C'est donc vingt ans après sa dernière incarnation que Crime & the City Solution nous revient, avec son American Twilight.

Commençons par le souligner : cette incarnation de la formation est certainement l'une des plus solides qu'il ait été donné d'entendre – et la présence de David Eugene Edwards à la six-cordes n'y est peut-être pas pour rien.

Pour le reste, American Twilight joue à fond la carte de sa relocalisation à Detroit, ville de récession, bâtie sur le mythe de l'automobile, où flottent encore les fantômes des Stooges et de MC5, déjà réincarnés peut-être un peu dans les premiers White Stripes.

En résulte un album beau et noir comme une balade noire dans un far-west dégénéré en mégalopole tentaculaire. Hail the six string that drew blood ! Une chevauchée sauvage, jaunie, passée, délavée qui, malheureusement, pourra encore rappeler les premiers Bad Seeds.

Mais l'album va bien au-delà du pastiche, et propose une démarche rock-poétique parfaitement intègre, exigeante – intransigeante peut-être même, puisqu'elle refuse de soumettre la création à tout autre impératif, comme celui, par exemple, de pondre un produit bien plus formaté, et donc : bankable.

Le jumeau malheureux, peut-être. Mais pas une doublure au rabais.