Dans le registre fictionnel, en toile de fond ou au coeur de l'intrigue, l'écologie et la protection de la nature, avec l'écologisme et sa composante activiste de l'éco-terroriste, sont entrées dans l'espace littéraire qui peut effectivement s'avérer un efficace véhicule de la pensée écologique.
Aux Etats-Unis, ce registre thématique constitue un sous-genre du "nature writing" né au 19ème siècle auquel se réfère "Après le carnage", le dernier roman en date traduit en français de l'écrivain américain T.C. Boyle.
Vivant en Californie à Santa Barbara en face de l'Océan Pacifique et des îles protégées qui constituent le Parc National des Channel Islands classé réserve de biosphère nationale, il s'est inspiré de faits réels pour "rendre hommage aux terres sauvages dont il a fait son paysage d'élection".
Au début des années 2000, malgré l'opposition de certains groupes de protection et de défense des animaux, les services du Parc National des Channel Islands ont mis en oeuvre des projets de restauration de la faune autochtone pour éradiquer, par empoisonnement ou abattage, des espèces animales étrangères introduites de manière directe ou indirecte par l'homme particulièrement invasives qui constituaient une menace particulièrement grave pour les espèces indigènes dans le cadre d'un biotope insulaire.
Ainsi en était-il des rats noirs échappés des navires naufragés qui décimaient la progéniture des oiseaux de mer et des cochons sauvages, descendant des porcs domestiques importés par les fermiers qui avaient obtenu des concessions d'élevage et qui ont attiré leur prédateur l'aigle royal qui décimait également une variété de renard insulaire.
A partir de ce canevas, T.C. Boyle, auteur prolixe qui se laisse aller à son plaisir d'écrire, a ambitionné de dresser une fresque narrative sur un demi-siècle en tressant plusieurs histoires métaphoriques dont le résultat paraît bien décevant tant au fond qu'en la forme.
T.C. Boyle livre trois romans pour le prix d'un et dont deux relèvent de l'exercice de style. En premier, un roman d'aventures qui narre le naufrage d'un bateau de plaisance et la lutte de l'unique rescapée, une jeune femme enceinte, qui débarque et survit sur l'île déserte d'Anacapa, une guerrière "increvable" à la manière des rats, avant de revenir à la civilisation et de mettre au monde une fille qui sera la mère de la biologiste coordonnatrice des projets du Parc national.
Ensuite, avec "La ferme de Scorpion", un roman naturaliste style cowboy contemporain avec la vie d'un éléveur de moutons sur l'île de Santa Cruz qui en est expulsé dans le cadre d'une restauration de la faune locale et dont la compagne est la mère de la petite amie d'un écoterroriste.
Enfin, la confrontation entre les scientifiques chargés de revitaliser les communautés naturelles et les naturalistes partisans du non-interventionnisme et de l'autorégulation opérée par le biotope.
En l'occurrence, cette dernière n'est ni passionnante ni convaincante car portée par deux personnages stéréotypés - une scientifique dont psychorigidité qui n'est pas qu'administrative et un psychotique fanatique - presque caricaturaux d'où une approche réductrice du sujet. De surcroît, au plan humain, ils ne sont ni l'un ni l'autre vraiment sympathiques, tous deux bornés, forts de leur conviction et peu enclins à la négociation, et on peut raisonnablement douter de leur motivation profonde, l'écologie paraissant davantage un moyen qu'un but.
Ce qui aboutit à un dialogue de sourds qui tourne court et à un dénouement en queue... de poisson.
Par ailleurs, même si l'auteur se complaît à quelques morceaux de bravoure épique ou mélodramatique, l'écriture, dont on ne sait si cela tient au formatage fréquemment rencontré dans la prose des auteurs américains formés dans des ateliers d'écriture ou à l'effet de lissage de la traduction, manque singulièrement de relief pour soutenir l'attention du lecteur sur près de 500 pages.