Publié dans la jeune collection Black Moon Thriller des Editions Hachette, "Codex Lethalis", le premier roman de Pierre-Yves Tinguely, décevra sans doute - et en tout premier lieu - ceux qui auront lu au préalable sa présentation dithyrambique en quatrième de couverture.
En effet, celle-ci annonce un "roman époustouflant, mêlant thriller et fantastique", "un récit démoniaque" avec "un scénario glaçant parfaitement maîtrisé, une écriture clinique et une tension sans temps mort".
Or, non seulement le titre semble annoncer un genre, le thriller ésotérique, qui n'est pas vraiment celui en l'espèce, même si intervient un sombre livre maudit, mais, en sus d'une intrigue ni originale novatrice, l'élément primordial du processus narratif du thriller qu'est le suspense disparait dès le premier quart du livre.
Tout commence avec une entrée en matière classique du thriller, une hécatombe sanglante qui, en l'espèce, ressortit à première vue de la non moins classique boucherie familiale commise par le géniteur atteint d'une crise de démence assez violente pour lui faire fondre le cerveau et "bouillir les yeux".
Et, en réalité, ce dernier est manipulé par le véritable assassin mû par la vengeance dont le mode opératoire pour spectaculaire qu'il puisse être n'est pas davantage novateur puisqu'il s'agit d'un mécanisme de la suggestion subliminale par voie d'image sonorisée diffusée par n'importe quel support technologique anodin tel que l'ordinateur, la télévision, et le téléphone portable.
Mais le mode opératoire, le mobile et même l'identité du coupable sont immédiatement dévoilés. Les 300 pages suivantes consistent simplement en une interminable chasse à l'homme, le meurtrier, as de l'informatique ayant toujours une longueur d'avance sur la police sous-équipée qui n'a que la bite et le couteau.
Une traque qui passe par une fumeuse histoire de livre maudit et qui sera élucidée non par le policier chargé de l'enquête, un flic à la Adamsberg ("un grand type qui semblait porter sur ses épaules toute la misère du monde, avec un regard à faire des trous dans les murs") mais par les diligences d'un détective privé, métissé père kenyan mère irlandaise ("un parfait spécimen de métissage au charme ravageur") qui possède des atouts de choc.
Car il a hérité de sa grand-mère massaï le don de voir les ondes négatives émises par les personnes et les objets qui se matérialisent par un halo rouge et, quelle heureuse coïncidence, a pour oncle par alliance un ancien prêtre spécialiste de l'occultisme. Du coup, tout se dénoue brutalement en deux tirs croisés.
En revanche, l'éditeur dit vrai en qui concerne l'écriture qualifiée de "clinique" aussi aseptisée et inodore que le bon air des Alpes natales de son auteur pour une partition qui se déroule avec la régularité d'un coucou suisse ce qui maintient dans l'atonie la lecture d'une soixantaine de chapitres souvent brefs, et dépourvus de climax bien que séquencés à la manière scénaristique du soap-opera. Vélléité d'adaptation télévisuelle ?