Comédie dramatique de Georges Dupuis,mise en scène de Yves Pignot, avec Bérengère Dautn et Goerges Dupuis.
Levallois, 1888. Une femme dans son appartement. Un chat qui miaule. Un piano. Scène de la petite-bourgeoisie paisible des faubourgs de Paris. Vraiment ?
Combien de temps le jeune médecin venu en consultation pourra-t-il croire à cette représentation paisible ?
Car cette femme aux cheveux lâchés, c’est Louise Michel, la Communarde, la déportée en Nouvelle-Calédonie, la révoltée de naissance et de conscience, l’honnie des bien-pensants et du Pouvoir. Celle qui se saisit de la parole comme d’un fusil et vise et tue. L’institutrice dévoyée qui rêve d’applications réelles à la Connaissance. L’ulcérée aux plaies vives de la lèpre de l’Injustice.
Qu’il y-a-t-il de commun entre ce brave homme nanti et bien assis dans la société et cette arc-boutée levant les tempêtes pour oser les braver ? Rien, sans doute, et la consultation de continuer, et de se prolonger durant des années, par l’étincelle de l’amitié. Deux humains se sont rencontrés.
Tout l’intérêt du beau texte de Georges Dupuis (qui joue également, avec talent et conviction, le rôle du bon docteur), soutenu par la mise en scène intelligente et sobre d’Yves Pignot, est de révéler la grandeur d’âme, la sincérité absolue, l’idéal quasi-mystique de cette combattante à mains nues qui a aimé, souffert et jamais poursuivi de haine ou de vengeance ses nombreux ennemis.
Ses combats sont naïfs, "donquichottesques", vains avec le recul qui est le nôtre ? Alors, le courage, la vérité, l’absolu ne méritent que mépris et c’est la victoire, très temporelle et illusoire de l’esprit boutiquier. Gare aux semailles vives de Louise…
Pour incarner cette héroïne flamboyante, il fallait désirer une tragédienne incomparable, une icône, et Georges Dupuis, osant ses rêves, comme sa Louise, a obtenu le oui de Bérengère Dautun.
Cette autre héroïne, du Français (qui désigne, chez elle, la Comédie et la défense pugnace du beau langage) élève le personnage aux crêtes de la tragédie, devenu bâtarde du roi Lear, Hermione du Temps des cerises sanglantes, enfin pauvre femme à fichu, grelottant devant le froid des cœurs.
Bouleversante, incarnée, pathétique, ébranlable, puis inébranlable de nouveau, cette "Louise Dautun" réchauffe l’espoir, non-violente se forçant au combat, inventant le "flamm-inisme" ( plutôt que le féminisme ventru) qui exige le réveil de l’âme et la "découverte", par le génie de l’artiste, de Louise Michel, de cette flamboyante, de cette passionaria, émeut et convainc.
Parce qu’il y a, sur ces planches du Ranelagh, comme dans sa vie à elle, force et amour.