Comédie dramatique écrite et mise en scène par Guillermo Calderón, avec Francisca Lewin, Carla Romero et Macarena Zamudio.
Plusieurs décennies après, les années de dictature sont au coeur des interrogations de la génération latino-américaine née dans les années 80, interrogations qui investissent également le théâtre.
Ainsi, en décembre 2011, le Théâtre des Abbesses présentait le spectacle "Mi vida despues" conçu par Lola Arias dans lequel, sous la forme du biodrame, des acteurs argentins nés entre 1972 et 1982 revisitaient leur histoire familiale au regard du comportement de leur père face à la dictature.
En 2012, dans le cadre d"un "Focus Chili", il présente le diptyque "Villa+Discurso" de Guillermo Calderón, dramaturge chilien reconnu dans son pays, qu'il inscrit dans un théâtre d’intervention politique et qui s'inscrit dans la nouvelle veine du théâtre mémoriel, qui se joue au Chili dans les centres de torture pendant l’ère Pinochet avec un entracte utilisé pour la visite des lieux.
Dans "Villa", au sortir de la dictature, trois jeunes femmes trentenaires chargées de décider de l'affectation donnée à la Villa confrontent des points de vue différents. Cette villa, bien que non expressément nommée, est la Villa Grimaldi, devenue un symbole de la mémoire collective du Chili, qui, rebaptisée Caserne Terranova, fut transformée par la Direction d'Intelligence Nationale (DINA) en centre clandestin de détention où se sont déroulées toutes les exactions et les barbaries attachées à ce vocable.
La pièce aborde le thème du devoir de mémoire à travers une partition non seulement pauvre en terme scriptural mais avec une dialectique sommaire, trois positions-trois personnages, et biaisée par un facteur émotionnel dans la mesure où les protagonistes ne sont ni des individus lambda ni les survivants mais les enfants issues du viol de femmes internées dans ce lieu.
Si elle évoque les différents choix possibles - ne rien faire et laisser la vie et la nature reprendre possession du lieu, reconstruire les bâtiments détruits pour pour ne jamais oublier ou privilégier l'avenir en créant un lieu nouveau pour célébrer une culture de paix, elle amalgame le souvenir, pour honorer la mémoire, et le devoir de mémoire qui consiste à maintenir présent à l'esprit de tous et évoque à peine une thématique aussi grave et délicate qui paraît incontournable, celle de la frontière ténue entre le devoir de mémoire et le tourisme de l'horreur.
Le volet "Discurso" s'avère plus intéressant en ce qu'il permet à travers le discours fictif et parodique écrit pour la présidente sortante Michelle Bachelet qui ouvre son coeur avec une belle liberté de parole.
Dispensé à trois voix, il synthétise, avec une mise en résonance récurrente avec la personnalité et le parcours de Michelle Bachelet, les espoirs, les frustrations et les aspirations d'une génération quant à l'avenir de son pays, aux limites de l'outil politique même démocratique et au bilan mitigé de son mandat.
Et sur scène, les trois comédiennes, Francisca Lewin, Macarena Zamudio et, plus particulièrement, Carla Romero, sont épatantes.