Au Québec, les saumons ne quittent pas aussi facilement le lac Saint-Jean. Les ouananiches se cantonnent à leur berceau d’eaux douces. Peuvent-ils "avoir du fun" en s’aventurant dans les profondeurs des océans ? L’un d’entre eux s’y est pourtant jeté, faisant le grand saut, remontant à contre-courant, traversant l’Atlantique et bien d’autres eaux-dio-visuel.
Ouananiche, c’est ce drôle de poisson de Cédric Chabuel, un artiste audio-visuel tout droit venu de Montréal. Est-ce une maladie ? Une drôle de manie le passionne : découper, dépiauter, déformer, dédoubler, recouper, recoller, redoubler, reboucler - et j’en passe - les supports audio, vidéo ou pourquoi pas les deux. A demi-mot, l’artiste avoue que tout a commencé par le mixage de supports audio. Et de bout-en-bout, il lui est venu cette idée effrontée d’aller plus loin : mixer des films pour en créer de nouveaux tels des mosaïques à la fois difformes et homogènes.
La salle est sombre. Grand écran. Nous, curieux, novices, assis dans cette petite salle douillette de l’Hybride, lui, timide, concentré, s’installant devant ses instruments. Un ordinateur. Une table de mixage. Dans l’ombre, il s’agite. Dans la salle, le live se met en branle. Et nous voilà plongés dans le premier (film ?), (morceau ?), la première création artistique : Next Floor. Dès les premières secondes, une collection d’images fuse en rythme. Elles se succèdent, se superposent, avancent, s’arrêtent, reculent intelligemment, musicalement. Car le tempo, lui aussi, d’abord lent, s’accélère. Les bruits, les dialogues, se mêlent et produisent un morceau. Les sens s’y perdent littéralement, sont en haleine, sans cessent mobilisés par l’image, le son, l’image, les deux ?. Ajoutez à cela l’ambiance du film originel, obscure, étrange, opulent. L’ensemble, malgré ce remue-ménage-méninge-tapage, n’en est pas moins dépourvu de sens. La suite est un florilège de mixage de films d’horreur de série B. Mais je m’en tiendrai là.
Il faut le voir et/ou l’entendre pour le croire. La séance terminée, j’en ai les yeux de merlan frit, muette comme une carpe. Une seule recommandation : épileptique s’abstenir.
Du reste, cette idée de recycler et le son et l’image tout en gardant un véritable sens artistique ne m’était jamais venue à l’esprit. Ouananiche mène somptueusement ses poissons morts, ses créations étranges et intrigantes et m’ouvrent de nouvelles perspectives. Peut-être serez-vous aussi étonné du résultat ?