Feuilleton théâtral écrit par Sophie Maurer, scénario de Sylvie Coqueart-Morel, mise en scène de Mathieu Bauer, avec Joris Avodo, Pierre Baux, Michel Cassagne, Chantal Gagnieux, Matthias Girbig et Lou Martin-Fernet.

A une époque où la recherche de la nouveauté formelle prime le fond, que reste-t-il du théâtre ? Une scène pour permettre aux comédiens omniscients qui ne veulent plus jouer les textes dramatiques de se croire auteur, en pratiquant l’écriture de plateau, et interpréter leurs petits biodrames égotismes, une salle de projection de vidéos, parfois filmant caméra au poing les acteurs, et parfois le lieu de jeu selon les codes des pièces radiophoniques.

Au nom de ce nouveau dogme théâtral, Mathieu Bauer, le fondateur de la compagnie de musique et de théâtre Sentimental Bourreau, qui se dit "abasourdi par la qualité d’écriture et la dimension politique des séries télévisées américaines", lance la saison 2012-13 du Nouveau Théâtre de Montreuil dont il assure désormais la direction, avec la première saison de son feuilleton théâtral intitulé "Une faille" qui importe le téléfilm au théâtre.

Ainsi comme comme il y avait dans les années 60-70 le théâtre filmé diffusé par la petite lucarne avec "Au théâtre, ce soir" dont certains se sont largement gaussés, voici qu'investissent la scène les codes et les lénifiances du téléfilm qui, en l'espèce, pâtit d'une faiblesse d'écriture qui ne peut être gommée par le défilement des images.

En effet, le projet est plus attractif sur papier que dans sa réalisation. La trame narrative écrite par Sophie Maurer, sociologue, et scénarisée par Sylvie Coquart-Morel, scénariste de télévision, qui devait satisfaire à un lourd cahier des charges relatif à l'ancrage du théâtre dans la ville pour y introduire un “nouveau rituel populaire”, à des thématiques sociétales contemporaines, le logement, les jeunes, les vieux, le racisme, à des personnages désincarnés qui n'ont pas de légitimité autre que d'être emblématiques et l'intervention d'un "chœur citoyen" composé d'amateurs montreuillois, manque singulièrement de souffle avec une intrigue, au demeurant rebattue de l'immeuble qui s'effondre comme révélateur des dysfonctionnements urbains, et des personnages caricaturaux.

L'aspect didactique est toutefois largement asséné avec des morceaux choisis expliquant par le menu le mécanisme du financement de la promotion immobilière, de la vente en l'état futur d'achèvement ou du droit au logement.

Avec en fond de scène le choeur urbain, le grand plateau nu qui représente la ville est traversé par les sauveteurs, matérialisés chichement par un unique pompier, et le chargé de communication du maire (Matthias Girbig) qui se démène, en l'absence de ce dernier retenu à l'étranger par le nuage de cendre islandais, pour boutiquer un discours en langue de bois peaufinée pour rassurer la population sur l'efficacité de la municipalité tout en la dédouanant de toute responsabilité.

Sur un praticable mobile reconstituant l'abri dans lequel se déroule le huis-clos du quintet des rescapés emmurés interprétés par Christine Gagnieux, le médecin de la maison de retraite sinistrée, Lou Martin-Fernet, la jeune fliquette, Joris Avodo, le maghrébin, Pierre Baux, le promoteur véreux, et Michel Cassagne, son père, vieux libertaire et ancien critique de cinéma.

Scandé par les riffs musicaux de Sylvain Cartigny à la guitare et les samples de Stan Valette, et malgré l'alternance des scènes d'extérieur et d'intérieur, le spectacle, qui, par sa staticité, n'a rien de cinétique, s'avère décevant.