Pour ceux qui ont raté Jean François Coen en 1993, lors de la sortie de son premier album au sein du groupe Modern Guy, album promis à un bel avenir qui connut des vicissitudes mémorables, l’album solo Vive l’amour qui vient de paraître a fait l’effet d’une petite bombe.

Vouloir le rencontrer relevait de l’impérieuse nécessité et les questions furent soigneusement préparées. Mais la profondeur de son regard parfois effaré, parfois affolé, sa voix douce, presque murmurée, avec une pensée digressive à la Sagan, et sa gentillesse ont eu raison de notre interview balisée qui s’est muée en échanges plus proches d’une simple conversation.

Loin des pompeuses certitudes et des mirages du star system, Jean François Coen fait de la musique.

Etes-vous à l’origine du choix de la photo qui illustre le CD ? Et a-t-elle une signification particulière ?

Jean François Coen : Pas à priori mais je me doutais que l’on me poserait cette question. Donc je me la suis posée. Et je me suis dit que c’était peut-être un regard sur le passé car ce sont des chansons écrites pendant une période assez longue où je n’avais pas de maisons de disques. Ce n’est donc pas une volonté de me cacher. Et puis la 2ème explication c’est que nous étions à New York, il faisait très froid, j’étais crevé et je tirais la tronche. Donc à un moment le photographe m’a dit : Tourne la tête. J’ai tourné la tête et puis voilà la photo était prise. Ensuite, parmi toutes les photos j’ai trouvé celle-là particulièrement jolie. Ça fait un peu pochette de Blue note et puis ça rappelle une pochette de Dylan.

Vous parliez du regard en arrière et beaucoup d’interviews font référence à ce qui s’est passé il y a 10 ans lors de la sortie de l’album . Est-il indispensable de vous poser une question sur cette période ?

Jean François Coen : Non, non.

Toujours dans une interview vous avez dit : "Je n’ai aucune vision marketing".

Jean François Coen : Ce que je voulais dire c’est que chez Sony, ma première maison de disques, je me suis battu pour tout. Pour l’album, on m’avait laissé carte blanche ce qui était difficile pour moi car je n’avais pas beaucoup d’expérience. Mais ce fût une lutte pour la pochette parce que j’avais choisi des gens qui ont beaucoup de talent, M/M : Mathias Augustygnak et Michael… ça va me revenir. Et j’ai dû me battre pour imposer la photo. Pour le clip j’avais refusé tous les synopsis proposés parce qu’il ne me satisfaisaient pas jusqu’au moment où j’ai accepté un synopsis qui exigeait qu’on voyage en Chine, en Afrique, en Egypte.

C’est à ce moment que Michel Gondry a proposé son idée. Il avait disposé sur une grande feuille de papier noir les photos qu’il avait prises, des enseignes, avec le premier vers de la chanson et j’ai immédiatement été séduit. Nous avons un peu discuté et tout s’est décidé très rapidement. Tout ce chemin pour faire une belle pochette, un beau disque et pas pour avoir une bonne image. Je ne comprenais pas le hiatus avec les gens de la maison de disques quand ils disaient : Tu as une image superbe. Je ne comprenais pas. Je n’avais pas une image super c’est que j’ai fais des choses super. Je parle rarement comme ça. D’habitude on me dit que je suis trop modeste. Je veux juste dire que je ne vais pas faire un bel emballage pour quelque chose qui n’est pas bien.

C’était la volonté de faire à un instant T quelque chose de bien aussi bien au niveau musical que du support.

Jean François Coen : Oui, c’était une volonté esthétique, une nécessité sans souci de marketing, de se demander ce qui va plaire ou pas. Même lors de la réalisation du clip avec Michel, j’étais super angoissé et je voulais changer des tas de choses. Ce sont des amis qui sont passés nous voir qui nous ont dit que le clip était super. Et je me suis calmé.

Donc pas plus de vision marketing pour cet album ?

Jean François Coen : Non. J’étais d’ailleurs parti sur une autre idée pour la pochette et puis les choses se sont enchaînés comme ça. Je ne pensais pas que Stéphane Sédnaoui serait disponible. D’ailleurs je n’osais même pas lui envoyer l’email et j’ai appuyé par erreur sur envoyer. Ensuite, j’ai trouvé en réponse un email très gentil dans lequel il me donnait son accord. Ensuite il a fait une très belle photo pour le single sur laquelle on ne me voit pas d’avantage que sur l’album. Elle n’est pas très marketing mais c’est une belle photo. Le clip a été décliné à partir de cette photo.

Vous disiez que les chansons avaient été écrites sur une période assez longue. Y avait-il en perspective l’enregistrement d’un album ?

Jean François Coen : Non.

Et ce qui a suscité l’album ?

Jean François Coen : Je ne me suis jamais arrêté de faire de la musique depuis l’âge de 10 ans mais j’ai beaucoup de difficultés, compte tenu de ma personnalité, pour concrétiser les choses et les finaliser. J’ai de s idées qui s’accumulent mais je ne les mène pas à terme. Je les oublie dans un coin de ma mémoire et parfois elles prennent forme. Le fait d’avoir un contrat constitue une motivation pour aller jusqu’au bout du projet.

Ce contrat n’existait pas au début de l’écriture ?

Jean François Coen : Je n’avais que 4 ou 5 chansons…enfin j’en avais plus mais je les ai balancées parce que …que vais-je dire ?…parce que j’ai changé. De plus l’enregistrement a été assez long car j’ai eu des accidents de moto…

Quel est votre sentiment par rapport aux chansons qui sont sur cet album et dont certaines sont anciennes ?

Jean François Coen : Je les assume mais en même temps je n’écrirais pas la même chose aujourd’hui. Elles font partie de certains moments de ma vie.

Certains chroniqueurs trouvent vos textes misogynes.

Jean François Coen : Ils ne sont pas misogynes du tout ! Je m’entoure de femmes, je recherche leur compagnie aussi bien dans la vie que dans le travail. Je ne suis pas misogyne. Ce sont des moments de vie. Ce sont des personnes que j’ai rencontrées mais je n'en tire pas des généralités.

S’agit-il d’une galerie de portraits ?

Jean François Coen : Non, pas vraiment car il peut y avoir des expériences différentes qui sont retracées dans un même texte. Et puis la fin de "Tu causes, tu causes" c’est juste un mot d’esprit.

Le thème de cet album, c’est vraiment l’amour ?

Jean François Coen : Oui.

Donc de "Vive l’amour" à "Je te tuerais" la boucle est bouclée ?

Jean François Coen : Oui. J’ai l’impression d’être un curé quand je dis cela. Je pense quel es sentiments négatifs sont des sentiments de défense car au fond tout le monde a besoin d’aimer et d’être aimé. C’est ce que je pense profondément même si ce n’est pas facile. L’amour est un moteur dans la vie.

Avez-vous déjà des retours positifs sur l’album ?