Comédie de Ben Elton, mise en scène de Marianne Groves, avec Marianne Sergent.

Dans "Doris Darling" la comédie décapante du dramaturge anglais Ben Elton, qui a dans sa ligne de mire l'égo des acteurs face aux critiques et les limites de la liberté journalistique quand elle est utilisée par les snipers de la presse tabloïd, seul le (sur)nom du personnage-titre est charmant.

Car la dame est une épouvantable créature, une "bitch", une "silly cow" selon le titre original, une chroniqueuse dite "mondaine" dont le fonds de commerce est d'éreinter les célébrités et le credo "Je suis la vache méchante qui abat des vaches sacrées" qui, tempérament et ambition exigent et à défaut de talent personnel, ne fait pas de quartiers.

Partie de rien, elle court après la célébrité à tout prix et rêve d'avoir son émission de télévision, un talk show à l'américaine qui lui permettrait de faire la pluie et le beau temps et de tirer sur tout ce qui bouge. Jusqu'au jour où une de ses victimes porte plainte pour diffamation.

La comédie grinçante de Ben Elton est d'autant plus féroce que ses armes de plume sont un sens aigu de l'observation, un humour tout aussi dévastateur et l'art de peaufiner des dialogues aux réparties cinglantes et drôlissimes. Par ailleurs, il s'agit également d'une comédie à suspense au dénouement totalement inattendu. Et sa création en France est un vrai régal.

La réussite du spectacle tient d'abord à la traduction de Marianne Groves qui a su trouver aux expressions anglaises des équivalents français hilarants et à son parti-pris de mise en scène qui, en usant du registre des comics, permet de restituer l'outrance des situations et la percutance de l'humour anglo-saxon.

Ensuite, conjonction et concomitance heureuses et rares, à la distribution notamment celle de Marianne Sergent qui, dans le rôle-titre, est magistrale.

Dans des tenues incroyables entre Barbarella et Vampirella conçues par Jérôme Caron et du haut de stilettos vertigineux, elle promène son personnage extravagant avec un naturel impérial et une démesure jubilatoire.

Comédienne et humoriste qui n'a pas sa langue dans sa poche, souvenez-vous de son spectacle solo "Dits et interdits" dispensé au Café de la Gare en 2008, elle se délecte de répliques affutées dans lesquelles la trivialité se dispute à la méchanceté pour le plaisir d'un bon mot ou d'une cruauté gratuite.

Cruauté que Doris Darling dispense en premier lieu sur ses souffre-douleur de proximité que sont une insipide et servile assistante, un comptable déférent, un gigolo latino à la botte et un agent flagorneur respectivement interprétés par Amélie Etasse, Eric Prat, Thierry Lopez et François Siener qui, avec des compositions hautes en couleurs, contribuent à la charge satirique de ce réjouissant divertissement.