Bernard Saint-Paul, producteur célèbre dans la variété française, il fut notamment celui de Véronique Sanson et Alain Chamfort, mais dont le nom est inconnu du grand public, tente une nouvelle aventure, celle de l'écriture.
Il livre donc un premier roman intitulé "Lucien" qui s'avère être la version contemporaine du roman sentimental à la Delly.
Comme les temps ont changé et que les histoires de princesse et de berger ne font plus vraiment recette, Bernard Saint-Paul a choisi pour héros ceux qu'il qualifie de "vagabonds fortunés" dont la cour de récréation est le monde, qui passent leur vie entre les avions et hôtels et qui sont jeunes, beaux, riches et dynamiques.
Encore que le personnage principal, Grégoire Sauvagnac, s'il est beau mec, notamment avec de longs cils recourbés sur un irrésistible regard gris anthracite de myope, il vient d'atteindre la quarantaine, certes alerte et entretenue, et souffre du syndrome du rétroviseur qui freine un peu son ardeur tout en n'ayant pas réglé certains traumatismes infantiles.
Après une course époumonée à la réussite et à la reconnaissance aiguillonnée par un besoin de revanche sociale sur une vie de bouseux dans une HLM de la banlieue nantaise, il est non seulement en perte de vitesse professionnelle, rétrogradé de la composition musicale à la confection de musiques de pub, mais victime d'un dilemme métaphysique qui le balade entre l'envie d'être célèbre et le besoin d'être vrai.
Enfin riche pas vraiment, mais encore suffisamment aisé pour investir dans le bling-bling haut de gamme – Roadster Mercedes, Phone 32 gigas, collection de montres de grandes marques, garde-robe classieuse avec incontournables "John Wayne Shoes" qui "coûtent un bras" – davantage pour conforter son narcissisme que pour la frime petite bourgeoise.
Côté mental, il a le cynisme désespéré et la morgue désenchantée des pauvres qui ont derrière eux une vie de bâton de chaise et, devant, une carte Gold sous haute surveillance de son banquier, qui dissimulent mal un moral en berne au bord de la dépression.
Mais il suffit de croiser une inconnue qui porte un parfum à l'effet "madeleine de Proust" pour que tout soit de nouveau possible. Car ce qui lui manque c'est bien sûr l'amour même s'il a toujours conjuguer au pluriel et lui a souvent préféré la liberté solitaire.
Séduit donc mais pas uniquement de manière olfactive car la dame n'est pas une plouc de banlieue mais une bombe de la jet-set doublée, ce qui ne gâte rien, d'une somptueuse héritière.
Alors comme ces deux-là sillonnent le monde, arriveront-ils à se croiser de nouveau et Grégoire Sauvagnac parviendra-t-il à concrétiser cette passion amoureuse qui confine au fantasme ? Se marieront-ils, seront-ils heureux et auront-ils beaucoup d'enfants ?
Réponse quasiment au terme de 289 pages, en même temps que sera dévoilée l'identité de Lucien. S'agirait-il de l'auteur dont le portrait en gros plan s'affiche sur la couverture ? Quel insoutenable suspense...