Les Random Recipe sont venus de leur froid Québec jusqu'au froid de l'hiver parisien, calfeutrés dans un coin de l'Atelier 154 pour nous parler de leur album et surtout nous offrir une session acoustique à risque, loin de la production de leur album.

Faute de temps, l'interview sera finalement faite par e-mail avec Franny aux commandes, qui nous dit tout sur Random Recipe et leur album Fold It ! Mold It !.

Pouvez-vous nous raconter la naissance de votre groupe ? Il semblerait que le hasard et l'amitié en soient les éléments fondateurs…

Frannie : J'ai rencontré Fab sur la rue à la sortie d'un concert. Nous étions amies, puis collègues de travail. Très vite, le centre de nos conversations était la musique. Un jour, on a improvisé un truc dans une pizzeria à 3am pour une pointe de pizza, et puis ensuite on a chanté un truc à un chauffeur de taxi en échange d'un voyage… On s'est fait remarquer sur la rue par une chanteuse (Giselle Webber) qui nous a invitées à une soirée Open Mic… et après cette soirée, le nom Random Recipe était lancé. Quelques mois plus tard, les garçons se sont joints au groupe 24 heures avant un concert qui devait être donné devant une foule importante au Fringe Fest alors qu'on réalisait qu'il manquait un peu de contenu à notre musique...

Deux hommes – Vincent et Liu-Kong – sont venus s'intégrer à ce duo de filles. Qu'ont-ils apporté ?

Frannie : Musicalement, une richesse des sonorités et des arrangements. Un peu plus de profondeur et de flexibilité à notre genre. Nous étions très limitées avant avec une instrumentation de base (2 voix et une mini-guit). Ensuite, ils ont aussi apporté des connaissances de la scène musicale montréalaise, question de mieux se démerder et comprendre les rouages de l'industrie.

Une fois repérées et le quatuor constitué, est-ce que le premier album Fold it ! Mold it ! a été facile et rapide à réaliser ?

Frannie : Les chansons se sont écrites par elles-mêmes au fil du temps. On ne s'est pas nécessairement rendu compte que l'on était en train d'écrire un album. Donc de cette manière, oui, ce fut assez facile. Ensuite, ce qui a pris du temps c'était de trouver une équipe avec qui travailler. Du manager au réalisateur, à la maison de disque... tout ce processus, bien qu'il en ait valu la peine indéniablement, a retardé le processus d'une bonne année (ce qui est vraiment une bonne chose en fait).

"Random Recipe" : il y a l'idée de plusieurs ingrédients et de hasard dans votre nom de groupe. Le "hasard", c'est seulement par rapport à votre rencontre-à Fran et à Fab-ou est-ce ce que c'est aussi un mot qui correspond à votre façon d'envisager votre musique ?

Frannie : Il n'y a pas de hasard dans la vie, et le hasard fait toujours bien les choses. C'est bien sûr beaucoup plus que la rencontre, l'histoire de la formation du groupe. Mais le hasard, c'est une façon de percevoir un peu tout ce qui peut nous arriver. On peut prendre pour acquis le développement de nos chansons ou de notre "carrière" comme étant le résultat d'actions et de pions posés, d'accords pensés ou d'arrangements travaillés. Mais on réalise que c'est vraiment très souvent un énorme et heureux hasard. J'aurais très bien pu être vétérinaire ou astronaute en ce moment... Je n'avais aucunement planifié être dans un groupe avec ces 3 individus à parcourir la planète, ça n'a vraiment aucun sens.

Je ne suis pas franchement bilingue, j'ai quand même réussi à traduire quelques paroles : elles n'ont pas l'air aussi joyeuses que la musique (notamment celles de "Shipwreck"). Comment qualifierez-vous vos textes ?

Frannie : Réalistes, mais naïfs et légers. Sans rentrer dans les grandes critiques sociales ou interpersonnelles, on jette un regard assez simple sur des situations ou observations du quotidien. On avait 21 ans lorsque ces paroles ont été écrites. Il n'y avait aucune prétention à penser qu'on avait quelque chose de plus qu'un autre à "dire". Alors on y est allé avec une autre approche. On joue beaucoup avec les langues et les textures pour s'amuser, un effet plus qu'un réel message. Un fond sensible que l'on aborde souvent qu'en surface. Mais ça, c'est souvent très québécois, on s'excuse d'avoir quelque chose à dire, on s'excuse de penser tout haut.

Y a-t-il des messages que vous aimeriez faire passer à votre public, à travers vos chansons ? Ou est-ce qu'il faut surtout se laisser emporter par l'ambiance de cette musique très éclectique ?

Frannie : Je crois qu'on le vit tous un peu d'une manière différente.

Mais personnellement, c'est l'ambiance et l'énergie que je veux transmettre au public plus qu'un message. La musique que j'ai écoutée dans ma vie a toujours agi comme trame sonore qui ponctuait mes propres péripéties, servait à rajouter une émotion ou canaliser un évènement vécu. Notre album, c'est un "road trip" qui peut aller dans tous les sens. Tu le moules et le plies à la guise de ton vécu...

Vous avez eu de nombreuses récompenses au Canada. Est-ce que votre album connaît le même succès sur le continent européen ?

Frannie : C'est difficile de saisir la réaction sur un sol étranger. L'industrie fonctionne complètement différemment d'abord, et ensuite on ne reçoit pas un feedback constamment comme au Québec. On est beaucoup plus actifs à Québec puisqu'on y habite, et la majorité des prix récoltés furent reliés à nos performances lives (notre live est d'ailleurs ce dont on est le plus fier au sein du groupe). En même temps, lorsque l'on vient en Europe, tout est plus gros. Les auditeurs à la radio se comptent en millions (on n'est même pas 10 millions dans tout le Québec), les groupes avec lesquels on joue en Europe sont très connus, et la réaction immédiate du public est vraiment énorme. Comme s'ils étaient moins habitués en Europe à ce genre d'énergie flambloyante sur scène provenant de deux filles à l'avant-plan...

Vous avez sorti récemment un EP "Shake it ! Bake it !" dans lequel 8 morceaux de votre album ont été remixés. Vous pouvez nous parler des musiciens qui ont participé à ce projet ? Pourquoi avoir voulu proposer une autre version de ces chansons ?

Frannie : On a été approché pour faire un concert concept au Musée d'Art Contemporain à Montréal en mai dernier, dans lequel on s'est permis de réarranger nos chansons qu'on jugeait avoir joué déjà trop souvent au public montréalais très fidèle. Le concert a suscité de tellement bonnes réactions que notre équipe nous a donné l'idée d'en faire un EP de remix. Ensuite, les collaborations se sont faites d'elles-mêmes avec des artistes que l'on admirait et suivait depuis leurs débuts (et ils en étaient d'ailleurs encore qu'à leurs débuts).

Capitaine Soldat qui a remixé "Dangerous" est un mec que l'on avait connu sur Myspace à l'époque, avant même qu'existe Random Recipe. On ne s'était jamais rencontrés en personne, jusqu'à ce qu'un jour on se croise par hasard dans un bar où je travaillais et que l'on prenne conscience après quelques minutes qu'on avait échangé sur Myspace 5 ans auparavant. On lui a proposé de faire ce remix et au même moment, il sortait tout juste son premier album très discrètement. Il est tellement talentueux qu'il s'est rapidement fait remarquer les mois suivants...

MHMHMH qui a fait "Shipwreck" est une bonne amie à nous que nous avons rencontré à Trouville en France dans un Festival de courts-métrages. On s'est bien entendus autant humainement que musicalement et la proposition de faire un remix allait de soit. Elle avait d'ailleurs participé au concert du MAC. DJ Brace (without you) est aussi un ami qui oeuvre surtout dans la scène hip-hop, et on admirait sa façon très honnête de travailler le son, et le scratch.

Les groupes de musique sont très nombreux alors que, paradoxalement, le marché du disque se porte de moins en moins bien, mais vous avez tout de même réussi à percer. Quels sont les ingrédients majeurs de ce succès, selon vous ?

Frannie : Patience, ouverture, authenticité, plaisir.

Vous réalisez une tournée en France durant le mois d'avril, ce sera la quatrième : vous commencez à être habitués au public français ? L'ambiance dans nos salles est-elle différente de celles du Québec ?

Frannie : C'est certainement différent, mais c'est la beauté de la chose. Pourquoi faire tout ce voyage si c'est la même chose qu'à la maison ? L'écoute, le rapport à la musique, l'ouverture culturelle, tout est différent. Il faut s'adapter sans se dénaturer, et c'est ma partie préférée du métier. J'ai toujours aimé voyager et me retrouver dans des cultures en Afrique ou en Amérique Latine où je n'avais que d'autre choix que d'observer, analyser et m'adapter tout en me respectant. C'est un peu la même chose avec un public. Le comprendre et jouer pour lui tout en assumant complètement la réalité et les limites de notre groupe, de notre musique, de Random Recipe.

Quels sont vos projets pour 2012 ?

Frannie : Un deuxième album. Et la tâche est grande.

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