Cela se trouve quelques pages après le milieu du livre. Une citation qui définit parfaitement la magie du cinématographe en accolant deux noms au septième art.
Jean-Luc Godard dit ceci : "Lumière c’est le documentaire, et Méliès, la fiction. Méliès c’est l’ordinaire dans l’extraordinaire, Lumière, l’extraordinaire dans l’ordinaire" (1). En lisant cette phrase de afin de chapitre on vient, sans s'en apercevoir, de traverser le "Rubicon".
Nous le savons, sans pour autant prendre conscience de l’importance du fait : le cinéma est né deux fois. Et ce ne sont pas les nombreux chercheurs désireux de s’approprier, en leur temps, les recherches en paternité, qui contrediront les faits : c'est ce que raconte Michel Faucheux dans cette biographie qui mérite que l’on tourne les pages à 24 images secondes. Le cinéma est né, et il va vers ses 117 printemps.
Aujourd’hui encore, deux grandes familles cohabitent, en compagnie parfois d'un troisième "larron" le documentaire-fiction... Laissons aux historiens cette frange de l’histoire pour revenir à l’aventure de ce couple d’inventeurs qui signait leurs brevets d’un seul nom. Une osmose parfaite dans la réflexion et le commerce.
Et si les Frères Lumière n’avaient pas existé ?
Balayons d’un revers historique cette drôle d’idée et voyons l’aventure du cinématographe comme une affaire de famille. C’est bien de cela dont il s’agit, même si les Frères Lumière officièrent dans d’autres domaines (optiques, photographiques, techniques), c’est le cinéma qui reste comme le rappel Michel Faucheux "Leurs Aventures", et celle du reste du monde.
Louis et Auguste sont avant tout des scientifiques et croient leur invention vouée au soutien des chercheurs, à la médecine, au mouvement… Mais également, dès le début (1896) aux documentaires et aux films "ethnologiques"en passant par l’actualité (toute relative) du monde. Parfaitement démontrée dans le livre est l’effervescence d’un moyen d’expression déjà indispensable, même s'il en est encore à ses balbutiements... Quel homme d’Etat, têtes couronnées ne vont pas se voir ainsi captés, avec une certaine jouissance narcissique du pouvoir ? Le cinématographe des Frères Lumière offre à tous une réalité en mouvement.
Le bouillonnement de cette fin du XIXème siècle, entièrement tournée vers la technologie, en fait oublier la magie. Méliès ne laissera pas passer l’occasion. Le directeur du théâtre Houdin, émerveillé par le cinématographe, voit tout de suite les possibilités "magiques" de l’appareil sans pour autant convaincre la famille Lumière, qui refuse de lui vendre une machine.
Le divorce est là, très tôt consommé.
Entre saltimbanques et réalité documentaire. Aujourd’hui encore, malgré la fraternité cinématographique, le fossé reste visible.
L’aventure des "Lumière" ne sera pas ébranlée pour autant. Ils dépêcheront dans le monde entier des équipes de tournages pour "capter le réel" et montrer les différences. Un cinéma primitif qui émerveille. Malgré l’art forain, nous sommes déjà bien loin de l’entrée du train en gare de la Ciotat.
Pensez, il y a à peine trois ans que le cinéma est né et nous voilà proches du XXème siècle et de tous ses espoirs (enfin, on le croyait). L’émerveillement va avec cette aventure décrite tout au long des pages, jusqu’aux égarements des Frères Lumière pendant la seconde guerre mondiale etleurs alliances avec le pouvoir de Vichy. Etrange destinée d’un couple d’hommes qui ne voyaient dans le destin du cinématographe qu’un avenir scientifique.
L’aventure d’un art qui se lit comme un roman. L’histoire est au bout de la plume avec l’esprit d’un scénario aux images scintillantes et lumineuses. Le bouquin de Michel Faucheux chez Folio Biographie est à mettre entre toutes les mains (et les autres) de ceux qui sont passionnés par le 7ème Art.
Lire les premières scènes d’un scénario historique qui commence avec la naissance et le serment de deux frères est digne du grand écran.
Moteur, action !