Drame de Victor Hugo, mise en scène de Pascal Faber, avec Pierre Azema, Florence Cabaret, Stephane Dauch, Pascal Guignard, Frédéric Jeannot, Florence Le Corre, Sacha Petronijevic et Flore vannier-Moreau.
On a parfois l'impression que l'œuvre théâtrale de Victor Hugo est négligée par la scène actuelle. Sont-elles jugées un peu vieillottes, dépassées, voire démodées ces fresques historiques qui mêlent passions mélodramatiques et intrigues politiques ? Peuvent-elles encore faire sens pour le public de 2011 ?
Avec une mise en scène simple et classique des plus fidèle à l'esprit hugolien, Pascal Faber offre un écrin d'une grande sobriété à cette pièce qui aborde nombre des thèmes et ficelles dramaturgiques chères à Victor Hugo, et démontre ainsi, sans fioriture, que "Marie Tudor" peut avoir une résonance toute particulière dans notre actualité. Pari risqué s'il en est et qui ne laisse pas de place à l'erreur, mais pari réussi.
L'histoire : Simon Renard, émissaire du roi d'Espagne à la cour d'Angleterre souhaite éliminer le favori de Marie Tudor, Fabiano Fabiani, qui représente selon lui un danger pour ses intérêts et ceux de l'Angleterre. Lorsqu'il découvre l'identité de la maitresse du jeune italien, il échafaude alors un stratagème des plus astucieux pour programmer la chute inéluctable de ce dernier.
Ce drame populaire qui mêle intrigue policière et amoureuse, développe également de nombreux thèmes intemporels tels que la dualité entre l'homme et sa charge, la passion et la raison, les dangers d'un système livré au bon vouloir d'un seul être, faible, imparfait et manipulable, l'hypocrisie et l'arrivisme qui en découle.
En républicain convaincu, Victor Hugo met en garde contre les dangers du despotisme pour qui l'être humain n'est que pion à manipuler ou adversaire à éliminer tout en restant toujours ambivalent sur ses personnages et leurs intentions. Les amours sont déviants, les innocents coupables, les intentions jamais vraiment pures, les héros intéressés, les êtres manipulés.
Avec quelques éléments simples mais bien employés (tentures, éclairages, et costumes d'époque très épurés), Pascal Faber arrive pourtant à mettre en exergue toute l'ambiguïté du propos.
Il est grandement aidé en cela par une distribution impeccable. Florence Cabaret et Sacha Petronijevic, dont on avait déjà salué la prestation dans "Un caprice" de Musset à l'Essaïon l'an dernier, sont particulièrement convaincants.
Florence Cabaret campe une reine à la fois faible et forte, exaltée ; atteint d'une folie que peuvent seules donner les grandes passion dévorantes. Quant à Sacha Petronijevic il nous glace avec un Simon Renard qui oscille entre grandeur et décadence, tant on se pose la question tout au long de la pièce sur les intérêts qu'il sert véritablement.
Cette version épurée d'un classique du théâtre français nous démontre une fois de plus que les grandes œuvres se suffisent à elles-mêmes et traversent les époques sans prendre une ride.
Encore faut-il savoir en rendre toute la richesse. Lorsque c'est le cas, comme pour ce "Marie Tudor", on ne peut qu'être conquis.