Comédie dramatique écrite et mise en scène par Pascal Rambert, avec Audrey Bonnet et Stanislas Nordey.

Un studio de répétition, blanc, très éclairé. Un homme et une femme entrent en scène, ce sont des artistes (danseurs ? Chanteurs ? Acteurs ? cela ne sera pas dit).

Stanislas Nordey dit, d'une respiration, que c'est la fin, leur histoire s'arrête là. Il est tendu à l'extrême, cou rentré, menton en avant-garde, ses deltoïdes tremblant de l'effort fourni. Il lui dit et continue à lui dire, poursuit, face à son amante silencieuse, l'analyse de pourquoi il la quitte, de la clôture de l'amour.

Pendant plus d'une demi-heure il parle, sans interruption. Stanislas Nordey a une manière précise, articulée, chirurgicale presque de dire la langue française ; ses jambes dansant un ballet implacable, avancent, martèlent, battent, recommencent, ne glissent jamais. Ses mains font déjà les gestes de la guerre, maintenant que tout doit être brisé. Il déploie tant d'énergie qu'il se couvre progressivement de sueur, jusqu'à être entièrement trempé.

On la voit elle, immobile, son visage d'abord visité par des ombres de rire nerveux, de rage, ou la montée des premières larmes. Tout cela se devine plus que ne se voit, mais on ressent l'impact des mots, les mots durs de la rupture, sur ce corps élancé. Puis c'est le ravage, les digues cèdent, la colonne ploie. Ils sont interrompus. Elle lui répond, tout aussi longuement, lui silencieux à son tour.

Au commencement de sa riposte, on a l'impression d'assister à une battle de slam, tant elle sort de ses poumons une voix des profondeurs, rude, à la Joey Starr. La langue de Pascal Rambert est vivante, tendons, fluides, sangs.

Le texte fut écrit directement pour ces corps, ces muscles, ces os, et, on s'en rend compte, très différemment pour Stanislas Nordey que pour la ligne courbe du corps d'Audrey Bonnet, ses attaches fines et sa force. Les prénoms des personnages sont ceux des acteurs.

A la dénégation de l'amour, elle répond par un tragique hommage à la force de l'histoire commune, du regard commun. Le personnage d'Audrey est magnifique, digne et dur. L'essence du théâtre dit-elle, c'est : un personne parle, un autre s'avance et dit "je ne suis pas d'accord". Alors elle s'avance et parle, et c'est terrible.

"Clôture de l'amour" est une performance au sens premier, très physique. Au-delà même de la séparation, le thème du spectacle semble être la violence dont sont capables les mots, l'inscription du signifiant dans le corps, le bris du langage et le heurt des viandes. Respiration rompue, reprise, à bout de souffle et de peine.

Avec ces deux heures de dialogue, les acteurs nous font un cadeau insensé, donnant chacun une livre de chair.