L’Antoine vu par les siens

L’un des plus grands chroniqueurs sportifs mais aussi auteur du cultissime "Singe en hiver" évoqué par les siens. Un ouvrage passionnant, drôle, épique où l’Amitié se décline à tous les temps.

Associé pour toujours au Tour de France qu’il couvrit pendant plus d’un quart de siècle, Antoine Blondin revit aujourd’hui grâce à vingt témoignages.

Ce club des vingt issu de tous les cercles (cinématographique, littéraire, familial et bien sûr sportif) dresse le portrait d’un homme aussi complexe qu’attachant, où l’amitié se hisse sur la place d’honneur du podium des sentiments. Altruiste et généreux, amoureux de cette langue française à laquelle il offrit des bouquets d’aphorismes et de calembours, poétisant une échappée cycliste ou un contre-la-montre, Blondin a quelque chose de ces hommes d’un autre temps.

Il n’est pas nécessaire, pour apprécier cet ouvrage qui se lit à la vitesse d’un sprint final d’étape de la grande Boucle, d’être un féru de sport. Car derrière l’éminent journaliste qui attendait onze mois durant le rendez-vous de juillet pour y retrouver les Poulidor, Hinault et autres Mercx, nous découvrons un être d’une étrange complexité, d’une "modestie quasiment maladive" pour reprendre l’expression de Brassens dans ses fameuses "Trompettes de la renommée". Blondin-Brassens, deux personnages "du même bois, un peu rustiques un peu bruts"…

De Bebel à "Casque d’Or"

Michel Déon l’académicien et donc Immortel, Jean-Paul Belmondo le Blondin au cinéma sous la férule d’Henri Verneuil, Juliette Gréco la plus belle des fleurs de la grande époque germanopratine, Jean-Pierre Rives le grand blond aux chaussures à crampons, devenu "Casque d’Or" sans jamais avoir succombé pour les beaux yeux de Simone Signoret mais aussi ses filles sont de ceux qui ont apporté leur contribution à ce beau témoignage.

Jamais hagiographique malgré des chapelets de louanges, ce beau bouquin ne pratique pas la langue de bois. La gueule de bois, parfois mais ça, c’est une autre histoire. La sincérité avec laquelle chacun s’exprime sur "son" Antoine Blondin, à la fois le même et si différent, ne trompe pas. L’élégance racée de certains de ces témoignages ne puise pas son suc dans la flagornerie. Chaque intervention sonne juste.

De cette justesse qui laisse échapper un humour ravageur aussi bien qu’un humanisme d’un autre temps. Présenté par deux proches de l’écrivain, Jean Cormier et son petit-fils Symbad de Lassus, ce bouquin s’affranchit joliment des règles de la biographie tout en proposant de suivre le parcours d’un type épatant.

Sûr que si Brassens (encore lui) était parmi nous, il entonnerait son célèbre couplet des "Copains d’abord" : "Quand l'un d'entre eux manquait à bord, c'est qu'il était mort. Oui, mais jamais, au grand jamais, son trou dans l'eau n'se refermait, cent ans après, coquin de sort ! Il manquait encor'".

Car Blondin semble manquer à ses amis. Cruellement. Et le temps ne fait rien à l’affaire…