Comédie humaine d'après "Les illusions perdues" d’Honoré de Balzac, mise en scène Laure Roldán, avec Félicité Chaton, Nathan Gabily, Maxime Le Gall, Emmanuelle Lepoutre, Alexandre Michel, Marie Rémond et Laure Roldán.

Pour sa première mise en scène, par ailleurs en lice pour le Prix Jeunes Metteurs en scène 2011 du Theâtre 13, comme les alpinistes débutants qui s’attaquent directement à l’Everest, Laure Roldán s’est attachée non à un texte dramatique mais à une œuvre littéraire majeure par la voie de la chimère contemporaine désormais récurrente : la création collective.

Intitulée "Voilà donc le monde !", celle de Félicité Chaton, Nathan Gabily, Maxime Le Gall, Emmanuelle Lepoutre, Alexandre Michel, Marie Rémond et Laure Roldán, ressortit au méta-théâtre en s’attachant au spleen aux couleurs des illusions perdues des acteurs trentenaires confrontés à la réalité du comédien, qui est un métier avant d’être un art, et à un dur constat même pour ceux, qui, comme la plupart d’entre eux, ont transité par le CNSAD.

Pour délivrer au public leurs état d’âme, ils ont choisi de regarder la société parisienne et la société du spectacle d’aujourd’hui à travers le parcours du héros d’un des tomes de la comédie humaine de Balzac, Lucien de Rubempré dans "Les illusions perdues", pour mettre en lumière les mécanismes de l’illusion, questionner la notion de représentation théâtrale et appréhender le parcours d’artiste.

Le spectacle délivré pâtit de la faiblesse de toute création collective dont les officiants n’ont manifestement pas de talent de plume, mise en scène par l’un deux qui, de surcroît, se distribuant lui-même sur scène, manque et de recul et d’autorité directive. Par ailleurs, en ambitionnant de mettre en résonance le propos balzacien, qui implique une connaissance historico-politique de la société du milieu du 19ème siècle et une appréhension analytique du monde présent, ils placent manifestement la barre trop haut pour leurs moyens.

Cela donne un patchwork confus composé de scènes narratives extraites du roman assorties d’anachronismes, de pseudo-théâtre de laboratoire et d’anecdotes autobiographiques. Au demeurant, cela commence par une assez longue scène introductive au cours de laquelle les acteurs, en rang d’oignon, évoquent, sous forme de stand up, les motivations (réelles ?) qui les ont amené à vouloir devenir comédien.

Motivations qui laissent pantois car il n’est question ni de porter le texte d’un auteur, ni d’incarner un personnage, ni d’art, ni de dire et de changer le monde. Ainsi, l’une voulait s’amuser et vivre des aventures, l’autre voulait faire de la comédie musicale mais comme sa voix ne lui permettait pas de chanter et que danser c’est trop dur elle s’est rabattue sur le théâtre.

Voix du collectif, la metteuse en scène indique vouloir "proposer au public autre chose que du divertissement, un théâtre qui donne à penser"  et "un projet vivant, mouvant, en recherche dont les représentations feront état d’une réflexion en progrès sur notre comédie humaine".

Pour rester dans la comédie humaine, ce spectacle, qui aurait pu s’intituler "Splendeurs et misères du comédien", plaira peut-être au public friand de gros plans sur l’envers du décor et les cogitations narcissiques de l’acteur et/ ou de balbutiant work in process.