Comédie de Marivaux, mise en scène de Jean-Luc Revol, avec Olivier Broda, Marie-Julie de Coligny, Louise Jolly, Cédric Joulie et Anne-Laure Pons

Après nombre de succès dans le registre du théâtre musical et de la comédie loufoque, la "Revol touch" frappe encore, avec la même même fantaisie débridée qui n'exclut pas la sagacité, par une incursion dans le répertoire classique.

En effet, Jean-Luc Revol met en scène "Le préjugé vaincu", une comédie légère en un acte peu usitée dans laquelle Marivaux épingle de manière allègre ce qui ne s'appelait pas encore le snobisme mais le préjugé de naissance.

Angélique et Dorante ont tout pour être heureux puisqu'ils s'aiment et que, malgré la disparité de leur condition, elle fille de marquise, lui roturier mais néanmoins bourgeois fort en rentes, aucun obstacle notamment d'ordre familial n'empêche leur union. Las, soucieuse du paraître, la donzelle vaniteuse et chichiteuse rechigne à la mésalliance et seul un subterfuge permettra de lui faire renoncer à un orgueil mal placé.

Jean-Luc Revol a opté pour une transposition au début des Trente Glorieuses dans cette période souriante des années 50 placées sous le signe du mambo, des choucroutes et des robes vichy et l'entreprise aussi hardie que judicieuse, sans attenter à l'intégrité du verbe de l'auteur et en symbiose avec la cinétique marivaldienne, s'avère totalement réussie, roborative et jubilatoire.

Au demeurant tout concoure à cette réussite de ce spectacle qui tient à la cohérence d'ensemble depuis le décor de Emmanuel Laborde, un pré carré de gazon vert, un fauteuil en osier et un portique qui s'ouvre sur un ciel à la Magritte, et les délicieux costumes revival de Aurore Popineau.

Jean-Luc Revol signe une mise en scène chorégraphique - agrémentée d'intermèdes conçus par Armelle Ferron - vive et pétulante à la mesure d'une des bonbons phares de l'époque, le mistral gagnant, cette poudre acidulée et pétillante qui éclatait en feux d'artifice sur les papilles et canalise l'exubérance d'un quintet de comédiens ébouriffants qui, de surcroît, jouent au diapason pour se bien connaître après avoir pratiqué un long compagnonnage artistique au sein de la Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre.

Face au couple ancillaire prêt à actionner la machine matrimoniale, Cédric Joulie, enflammé et leste à souhait dans le rôle de l'enjoué valet qui poursuit d'un amour tangible et pressant l'espiègle et explosive suivante magnifiquement interprétée par Anne-Laure Pons, le couple des maîtres est drôlement coincé dans les entournures.

Olivier Broda est un désopilant amoureux transi face à Marie-Julie De Coligny irrésistible en ingénue version poupée pimbêche. Et entre les deux, Louise Jolly, en chimère haute en couleurs de Mae West et Barbara Cartland. est foudroyante en reine-mère mondaine.

Une friandise à consommer donc, sans modération.