Plus de 300 ouvrages sans compter les bandes dessinées sont annoncés pour la rentrée littéraire de septembre. Parmi eux, à coup sûr, il y aura moultes autobiographies narrant ses amours perdues et ses relations difficiles avec le père. Mais au milieu de tout cela, il y a aussi quelques bandes dessinées qu'il serait dommage de négliger dans cette rentrée littéraire tellement chic.
Surtout, quand il s'agit d'une bande dessinée autobiographique. Genre relativement peu répandu mais qui commence à percer au travers de la plume de Larcenet, Long et maintenant Mourier.
Mais la particularité de cette BD est de s'attacher à des moments très précis dans le temps, relativement courts et relatés quasiment in extenso.
La raison en est simple – Davy Mourier nous l'explique dans son interview – il dessine en temps réel par rapport aux événements, la raison principale étant qu'il en illustre son blog.
Seconde particularité de ce livre, il se lit dans les deux sens. En fait, il comporte deux BD qui se rejoignent au centre du livre. Ainsi il y a deux couvertures et il suffit de retourner l'ouvrage pour lire l'une ou l'autre histoire. Ingénieux et élégant système qui ajoute un côté ludique à la lecture et une certaine préciosité à l'objet.
Il y a donc deux histoires de Davy Mourier pour le prix d'une (en l'occurence 14 euros), aux histoires certes toutes deux autobiographiques mais aussi différentes dans le fond que dans la forme ce qui, là encore, apporte indéniable à la BD et montre les facettes et les talents multipes de son auteur.
La première (si vous ouvrez tout d'abord la BD dans le même sens que
moi) s'appelle Il était une fois... une fille que j'ai rencontrée deux fois ! et donne son titre au recueil.
L'histoire est simple et quasi universelle. Un garcon et une fille se rencontrent... puis de rencontre, ils s'aiment... ou pas ?
Cette histoire d'un amour naissant, racontée de façon à la fois pudique et sans barrière, mélange le dessin de Mourier avec "la realité" sous forme de photos, de copie de billet de train ou encore de carnets de croquis.
Ce procédé étonnant donne une densité incroyable au récit dans lequel on plonge comme dans un roman d'aventure.
L'histoire touche et émeut, le personnage principal – l'auteur lui-même donc – est émouvant et drôle à la fois. C'est beau, touchant et drôle et cela va bien plus loin que le simple divertissement dont on accuse trop souvent le genre, les petites cases parlent souvent bien plus que des pages remplies de mots, surtout quand elles sont dessinées avec un tel talent et un tel sens du récit.
La deuxième histoire, dont le titre faussement enfantin plante le décor sans équivoque, s'appelle Papa, Maman, une Maladie et Moi ! Clin d'oeil au théâtre de boulevard des années 50, ce récit d'un ménage à trois est beaucoup moins amusant puisqu'il y est question d'une période pendant laquelle le père de Davy est malade. L'histoire nous narre la période précédant les examens médicaux.
Pas très passionnante à première vue, cette tranche de vie familiale atteindra le même but que l'histoire d'amour. C'est-à-dire nous immerger littéralement dans le monde de Mourier nous faisant nous identifier, par petites touches d'universalité, parce qu'on a tous des parents, qu'on a tous des souvenirs d'enfance, des journées banales qui n'en sont pas vraiment..., à ce récit. Encore une fois la trame est simple : papa Mourier est souffrant, toute la famille le sait, personne ne l'accepte et, grave ou pas, ce n'est pas cette maladie qui va changer la vie... quoi que.
Le découpage et le dessin de cette bande dessinée sont encore plus originaux que dans la précédente. Ici, les cases de la même taille sont toutes découpées en deux. En haut du texte, dur, émouvant, écrit de façon ultra-simple, parfois presque enfantine mais qui touche par sa proximité avec le lecteur. On se sent d'emblée touché et ému presque en position de voyeur. On a envie de laisser cette famille avec ses problèmes mais on veut aussi les vivre avec eux.
Et puis il y a la partie basse de chaque case, dessinée et qui tourne à l'humour chacun de ces textes si poignants et intimes. Cabriole pudique de l'auteur vis-à-vis du lecteur mais aussi de sa situation, cherchant à tout prix lui aussi à détourner, voire dérouter la réalité du quotidien (car là aussi, cette bande dessinée est issue de planches créées au fur et à mesure que s'est déroulée cette tranche de vie).
De plus, le dessin profite d'une originalité puisque les images ressemblent à des découpages et des collages et rajoute à l'ensemble cette fausse naïveté qui fait parfois que l'on surmonte ainsi plus facilement la réalité.
On gardera de cette première double BD beaucoup d'émotion et de rires que Mourier mélange parfaitement, sans effort apparent, tellement cela parait sortir de chaque pore de sa peau. On gardera aussi un talent de narrateur remarquable, vous invitant naturellement dans ses histoires et grâce aussi à sa créativité qui rend le visuel de sa BD comme aucune autre, débordante d'idées.
A découvrir urgemment, sur du papier, à la télé, sur son blog... et partout ailleurs. En attendant Mouarf !, autre aventure de Davy qui promet encore de belles surprises, comme il le laisse entendre dans l'interview. |