Codicile pour la cuvée Montmartre
Devinette : Qu'est-ce qui peut à la fois tirer un toulousain de son lit au matin - en joie (détail majeur) -, et lui faire renoncer à un événement aussi génétiquement symbolique qu'une demi-finale de rugby francocentrée, au soir ?
Le tout dans la même journée.
Réponse : Un autre symbole indécrottable du patrimoine sudiste : Georges Brassens.
Renommée brassenienne fêtée en grande pompe samedi dernier... sur le papier. Les trompettes ont fait figure de flûtes de paon, ce qui musicalement bien sûr n'aurait pas frustré la curiosité du regrétté débonnaire, mais qui, en terme de culture de quartier, laisse comme sonner une consonne sans sa cédille pour le chroniqueur mélomane.
Bon, par souci de repentance, je dois déclarer avoir séché la première journée "universitaire" au projet alléchant (faute de place), ainsi que la dernière, trop suavement promotionnée pour m'inciter à m'alléger des 22€ nécessaires à l'accès microphonique de quelques artistes suspects en quête de reconnaissance sur la moustache de notre sétois.
En revanche, la seconde - et de loin plus garnie au programme – journée de ce week-end qualifié par certains spécialistes comme "le plus gros événement jamais organisé" autour de la figure de l'artiste, c'était mon créneau test.
Bille en tête : "On va rater la demi de rugby, mais quand même, c'est Brassens comme jamais à Paname..."
16h00 : passée la paire d'heures à garer la carriole, on grimpe au sommet de la butte.
Calme étrange rompus par quelques jeunes gratteux ouvrant le répertoire dans la rue Norvins; une chanteuse semblant faire partie des murs accordéonne le pavé.
Ca tremble pas vraiment d'alexandrins et de septièmes mineures pour le moment.
17h00 : en faisant le tour de la basilique cernée par les stands d'artisanat régionaux, on croise et s'égaye de joyeuse bandas animant le faîte du quartier, ainsi que moultes conférie d'occasion. On siffle un godet pour encourager le petit producteur. Mais la quête d'une incontestable émanation brassénienne se fait plus inquiète.
18h30 : changement radical de stratégie, cap sur quelques adresses récoltées sur le site de l'évènement, avec l'impression collante que sans lui les traces du croque-note fétiche ne seraient que pure invention de l'esprit.
En fait de croque-note, seul le duo apéro/gueleton nous fournit une variation sur le thème, avec une authentique dédicace de l'artiste accrochée au mur du Tire-Bouchon et sur fond d'impro piano jazz, et un bon repas au Poulbot
Mais peu, tellement peu sur lui. Nulle transpiration collective, débordante, effrénée, des ruelles de quartier. Où donc est passée cette amitié réputée et cette joie de s'emparer des échos de rues pour déclamer les textes en musique ?
Finalement, Montmartre a fêté Montmartre, sa cuvée hors de prix, sa corporation d'artisans, son image. Ou comment prendre la butte en guise d'oreiller pour un Georges qui fut à Montmartre ce que la manif est à la merguez : un noble prétexte.
Désarçonnés, nous nous accordons alors la pause patriote.
Après tout, le café d'en bas donne directement sur le feu d'artifice de 23h et retransmet un certain match; ce qui nous donnera l'occasion de réfléchir à la dernière chance que nous donnerons à l'évènement en nocturne.
Formalité faite, et rendus au constat de l'extrême dispersion du fameux hommage au poète, c'est à Barbès que nous trouverons au final un vrai bout "d'en mémoire de" par les subtilités des six-cordes de Rodolphe Raffalli, rare repreneur jazz-manouche du répertoire de G.B.
Mais globalement au village Montmartre aussi on a de beaux assassinats. |