Thomas de Pourquery est tout à la fois saxophoniste, chanteur, arrangeur et chef d’orchestre. Libertaire et fantasque, il vient de sortir un superbe disque autour de Sun Ra où la musique devient un tourbillon. Rencontre :
Qui est Thomas de Pourquery ?
Thomas de Pourquery : Je suis sûrement à mi-chemin entre mon pire cauchemar et ce qui peut vous arriver de meilleur, un truc par là !
Parler de toi comme un jazzman n'est-il pas réducteur ?
Thomas de Pourquery : Je crois qu’on ne choisit ni le jour, ni l’endroit par lesquels on rentre dans la musique ; un jour tu es ici, tu écoutes un morceau, et ça y est, ta vie est sauvée ! Pour moi, c’était du jazz, puis la musique contemporaine et le rock. Et depuis je vais avec autant d’envie là où le cœur de mes oreilles me dit d’aller ! Aujourd’hui, je joue du Sun Ra et je viens de finir avec le divin Maxime Delpierre notre album de pop, Viking qui sortira cette année.
Comment envisages-tu la musique ?
Thomas de Pourquery : Je ne peux l’envisager qu’avec des gens que j’aime, avec qui j’ai envie de la partager. Le temps passe tellement vite, alors je crois qu’il ne faut se fier qu’à son plaisir et à celui, le plus puissant, qu’il nous est offert de partager avec les autres. En cela la musique est une bénédiction, je m’en rends compte tous les jours. La musique est le meilleur psychiatre du monde, et le moins cher ! Sans la musique, je fomenterai le casse du siècle, et comme je n’ai pas le génie de Spaggiari, je serais sûrement en prison...
Sun Ra semble une évidence quand on te connaît un peu, l'était-ce aussi pour toi ?
Thomas de Pourquery : J’ai toujours aimé Sun Ra, sans être un fan dévot. Il y a de tout dans son œuvre ; du free hardcore à la soul en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Ce que j’admire surtout chez lui, c'est son génie d’écriture, il a pondu des hymnes, des tubes interplanétaires ! Le festival Banlieues Bleues m’a donné une carte blanche et j’ai eu envie de jouer cette sublime musique, ces morceaux qui sont de vrais standards trop méconnus.
Comment as-tu réuni le Supersonic ?
Thomas de Pourquery : J’avais trouvé le nom du groupe "Supersonic", il fallait donc aller vite ; j’ai envoyé un message sur Meetic, et j’ai engagé les 5 premiers mecs à répondre à l’annonce : des anges de l’amour !
Comment as-tu arrangé Sun Ra ? Comment as-tu choisi les titres ?
Thomas de Pourquery : En fait, je travaillais depuis un an sur ce projet, j’avais écrit tous les arrangements et 15 jours avant les premières répétitions, je me suis fait cambriolé et volé mon ordinateur avec tout mon travail dedans. J’ai réécouté du Sun Ra tout le week-end suivant, comme pour faire le deuil de ce projet, et ce fut un vrai miracle, j’ai passé 48 heures non stop à écouter cette musique, et au bout du voyage j’avais noté 12 titres, 12 autres que ceux prévus au départ… Ce sont ceux-là qu’on joue avec le Supersonic. A l’image des nombreux styles abordés par Sun Ra durant sa vie, Supersonic rassemble des musiciens ayant des parcours très différents et complémentaires : classique, rock, jazz, électronique. On a tous le même goût pour l’improvisation et la mélodie, les deux mamelles du destin.
La liberté et l'harmonie sont-ils les deux piliers de ta musique ?
Thomas de Pourquery : C’est vrai que j’ai autant de plaisir à pratiquer l’improvisation totale qu’à écrire une chanson de pop, avec tout ce qu’il y a entre les deux, dedans et à côté. Ce qui me touche est rarement fait d’un seul matériau, je cherche en permanence les endroits où les opposés parviennent à exister ensemble, à se nourrir l’un l’autre. Pour que les cordes puissent résonner, il faut bien que des fils soient tendus ! J’ai rarement un seul concept et ne fais confiance qu’à mon épiderme : je me suis longtemps auto-flagellé du fait d’aimer et de faire tout et son contraire, pollué par une légion de gardiens auto-proclamés du bon goût, et puis un jour, je l’ai lu : "Même beauté tant soit exquise Rassasie et saoule à la fin Il me faut d’un autre pain : Diversité, c’est ma devise !" Jean de La Fontaine soit loué, je me suis depuis accordé le droit d’aimer avec autant d’appétit le fromage ET le dessert !
5 disques tous genres confondus inusables ?
Thomas de Pourquery : Embryonic des Flaming Lips, Parade de Prince, La Turangalila d'Olivier Messiaen, Kind of blue de Miles Davis et What’s going on de Marvin Gaye. |