J’ai rencontré Melissmell en plein hiver 2011 Ecoute s’il pleut, ça a été un coup de foudre. 2013 : deuxième album. Déjà ? Je ne me suis pas encore lassée du premier, le temps passe tellement vite, mais ça parait tellement loin à la fois. Entre temps, je suis littéralement tombée Droit dans la gueule du loup. C’est le nom qu’elle a choisi pour cette deuxième perle. Je croyais que j’avais bien caché cette histoire désargéable, il faut croire que non.
D’abord, son nom, Melissmell, de Mélanie, son prénom, de "Smells Like Tenn Spirit" de Nirvana, et de la mélisse, "plante qui soulage les maux des femmes". Oui, il fallait bien tout ça pour la décrire, et plus encore. Entre ses deux albums, elle a publié ce manifeste aux français Bleu Marine : "Ma France, tu me fatigues", pour rappeler que la chanson en France peut encore refuser la tiédeur…
Les plus informés la surnomment Bertrand Cantat féminine. Peut-être que oui, mais pas que. Elle a aussi l’ironie d’un Brel pour faire passer autrement que par la colère, la force de voix d’une Piaf, les brisures d’une Janis Joplin… Tout y est. Dans le rock, les mots et les rythmes. Mais aussi dans les sentiments, les émotions et cette foutue humanité qui nous rend si imparfaits mais tellement attachants. Elle exprime ce qui la dérange, ce qu’elle voit et ce qu’elle vit.
Elle a décidé de ne chanter que les œuvres de Guillaume Favray, un sacré poète troubadour de notre temps comme on en trouve peu. Celui qui a les mots pour nommer les maux, sans vulgarité ni faux semblants, avec une infinie patience et une verve à peine dissimulée sous de beaux adverbes. La plume idéale à la voix de Melissmell. Elle s’est de plus entourée du pianiste Matu (from Mano Solo) et du guitariste Daniel Jamet (from Mano Negra), talentueux combo pour illustrer la puissante fragilité qu’incarne Melissmell.
10 titres, 43 minutes de mélancolie, de rage, de tendresse, de réalisme, de révolte… Dans le désordre, vous trouverez un bréviaire de la dignité humaine ("Les jours de récoltes"), un touchant adieu débordant d’amour et d’espoir ("La route"), une ode à celle qui nous guette dans tous les coins ("La Colère") et d’autres, à propos des larmes, de la musique, des souvenirs… Cet album a le reflet du spleen de Charles, pas le rosbif aux grandes oreilles, le Baudelaire (un peu fou, mais charmant spleen tout de même).
La musique ? Du french-rock, des timbres cassés sur les guitares acérées, mais pas trop, que ça reste audible. Parce que le texte est aussi important que la mélodie qui l’accompagne ici. Entre douceur et colère, entre poésie et revendication, retrouver Melissmell m’a donné l’impression de retrouver une vieille amie après plusieurs années de séparation. L’écouter donne le courage de refaire le monde tout en apportant de la bienveillance à ses erreurs. Un beau moment. Une bouffée d’air. Bouleversant. Jusqu’au tendre "Rock n' roll", mort depuis qu’il faut de la haute couture sur le dos pour être anarchiste.
"La frustration mène au combat, le combat mène à la liberté et la liberté mène à faire des œuvres comme la mienne" dit-elle. |