Comédie dramatique de Christian Morel de Sarcus, mise en scène de Alexandre Laurent, avec Claude Nicol, Chris Mercier, Valentin Terrer, Romain Jouffroy, Madeleine Loiseau, Patrick Lheureux-Bouron, Florence Enjalbert, Antoinette Guédy, Olivier Carette, Annie Monange, Philippe Blanchard, Annick Ferreira et Florian Bernard.

La bonne société picarde en villégiature valoisienne fête la fin de l'été avec champagne, mascarade et feux d'artifices dans une belle propriété pendant que ses hôtes soldent leurs comptes. Un homme et une mais bien longtemps après le chabadabada lelouchien.

Après vingt années de mariage, Madame, de basse extraction plébéienne qui s'est mariée par intérêt pour sortir de la misère, veut divorcer, reprendre sa liberté alors qu'il n'est encore temps pour brûler ses dernières cartouches. Peut-être le coup de grâce pour Monsieur, homme racé versé dans la littérature, vrai mélancolique en phase terminale et nauséeux existentialiste pour qui "la vie est une maladie à guérir d'urgence".

Dans "La nuit dernière", et non "La dernière nuit", encore que rôde l'homme de la dernière nuit, un étrange polichinelle fou, Christian Morel de Sarcus décrypte, en instillant, dans un texte troublant à l'écriture acérée, la fiction onirique et fantasmatique dans la réalité, à moins que ce ne soit l'inverse, une âme torturée submergée par les rêves perdus et les désirs inassouvis qui ressasse un sentiment d'échec récurrent et pleure la trahison, celle des autres, même s'il croît à la solitude profonde de l'homme ("Il ne faut rien attendre des autres car ils vont mourir aussi"), mais également la trahison de soi-même.

Avec notamment le travail approfondi et minutieux de Florence Enjalbert aux lumières Alexandre Laurent assure une scénographie émérite pour évoquer les différentes profondeurs de champ de l'intrigue et une belle direction d'acteur pour une distribution conséquente de comédiens qui contribuent tous et chacun de manière signifiante à la cohérence et à la réussite de la partition délivrée.

Dans les rôles principaux, pour le couple, Chris Mercier est excellente et Claude Nicol, nouveau venu sur scène, même s'il manque encore un peu de métier, incarne parfaitement, dans l'expressivité non verbale, l'essence du désespoir. Valentin Terrer trouve un rôle à sa mesure avec le personnage ambivalent du polichinelle, qui tient du fou masqué et du messager désenchanté.

Et puis une révélation avec une jeune fille gracile et lumineuse au beau potentiel exceptionnel, Madeleine Loiseau.